Expropriation – Fixation des indemnités d’expropriation – Prise en compte de la plus-value en cas de revente par l’expropriant (non)
La Cour de cassation, par des décisions en date du 2 mars 2022, clôture deux litiges relatifs à la contestation du montant de l’indemnité d’expropriation initiés par des expropriés dont les biens avaient été revendus, avec une plus-value, par l’autorité expropriante.
Pour rappel, la haute juridiction judiciaire, par deux décisions du 1er avril 2021 (voir ici notre veille sur le sujet), avait transmis au Conseil constitutionnel une QPC portant sur la conformité à la Constitution de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation, fixant les modalités d’indemnisation des biens expropriés. En effet, elle estimait que :
La règle d’évaluation des biens expropriés selon leur usage effectif à la date de référence et sans prise en compte des changements de valeur intervenus depuis cette date, lorsqu’elle est appliquée à l’évaluation d’un bien destiné à être revendu par l’expropriant dans des conditions déjà déterminées et lui permettant de bénéficier d’une plus-value certaine, est de nature à créer un déséquilibre entre les intérêts de l’exproprié et de l’expropriant, celui-ci étant protégé de la spéculation foncière qui aurait pu bénéficier à l’exproprié, tout en étant assuré d’en tirer lui-même profit.
Point n° 6
Le Conseil constitutionnel, au contraire, a jugé que les dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation étaient conformes à la Constitution dès lors que le législateur, par ces dispositions, « a ainsi entendu éviter que la réalisation d’un projet d’utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics » (voir ici notre veille sur le sujet).
A la suite de la décision de conformité rendue par les Sages, la Cour de cassation, dans ses décisions du 3 mars 2022 a finalement considéré que la plus-value qui devait être générée en raison de l’opération d’utilité publique conduite par l’expropriant n’avait pas à être prise en compte pour déterminer l’indemnité réparant la dépossession. Par conséquent, elle juge que :
L’indemnité de « privation de plus-value » revendiquée par les expropriés n’était pas en lien direct avec le préjudice résultant de la dépossession qui seul pouvait être indemnisé par le juge de l’expropriation. Dès lors, {la cour d’appel} n’était pas tenue de procéder à un contrôle inopérant relatif à l’atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de M. et Mme [Z], qui résulterait de la plus-value bénéficiant à l’expropriant lors de la revente des parcelles.
Points n° 6 & 7
La cour de cassation rejette les deux pourvois.
Cour de cassation, 2 mars 2022, n° 20-17.133
Cour de cassation, 2 mars 2022, n° 20-17.134