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Résidences services séniors et obligation de création de logements sociaux

Le Conseil d’État, dans une décision remarquée1 du 13 décembre 2021 (n° 443815) et mentionnée aux tables, a été amené à articuler le concept contemporain et répandu de la « résidence services senior » (ci-après RSS) avec les dispositions législatives qui permettent aux auteurs d’un PLU d’imposer l’affectation d’un pourcentage de programme de logements à des logements sociaux et ce sous l’empire des « anciennes destinations » (PLU antérieur au 1er janvier 2016). En l’espèce, il revenait au juge de déterminer si les obligations applicables au sein d’un secteur de mixité sociale trouvaient à s’appliquer à un programme portant sur une résidence services senior.

I. Une problématique juridique mobilisant les notions de « destinations »
et de « secteur de mixité sociale »

Genèse des secteurs de mixité sociale et notion de « programme de logements »

Le législateur a créé en 20062, aux côtés des emplacements réservés en vue de la réalisation de logements sociaux, créées par la loi SRU3, les secteurs dits de « mixité sociale », qui permettent aux auteurs de PLU d’identifier dans les zones urbaines ou à urbaniser : « des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme est affecté à des catégories de logements qu’il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale »4.

Le législateur avait alors pour objectif de permettre aux communes de participer activement à la programmation du logement.

Toutefois, si la notion de « programme de logements » n’a alors fait l’objet d’aucun débat parlementaire qui aurait permis d’en dresser les contours, les acteurs de l’immobilier se sont rapidement heurtés à la question de la définition de cette notion, notamment au regard des nouveaux modes d’habitat (coliving, résidences services pour seniors ou étudiants, etc.).

Toutefois, si la notion de « programme de logements » n’a alors fait l’objet d’aucun débat parlementaire qui aurait permis d’en dresser les contours, les acteurs de l’immobilier se sont rapidement heurtés à la question de la définition de cette notion, notamment au regard des nouveaux modes d’habitat (coliving, résidences services pour seniors ou étudiants, etc.).

Une notion difficilement compatible avec les « anciennes destinations »

La bonne compréhension des enjeux de cette décision du Conseil d’État nécessite de rappeler l’évolution législative et réglementaire des « destinations » en droit de l’urbanisme.

En effet, les neuf destinations anciennement applicables ont été remplacées en 20155 par cinq destinations et vingt sous-destinations qui ont permis de traiter avec plus de finesse et de manière plus adaptée à la diversité des opérations, les règles applicables aux constructions.

Ainsi, avec une nouvelle destination habitation, qui regroupe les sous-destinations « logement » et « hébergement », il pourrait apparaître plus aisé de discriminer les constructions qui doivent se voir appliquer le régime consacré aux « programmes de logements » et donc de régulièrement exclure celles qui relèvent de l’hébergement.

En revanche, s’agissant des PLU plus anciens sous l’empire desquels les anciennes destinations sont applicables, un flou juridique planait, dès lors que la seule destination « habitation » était insuffisante à distinguer les différentes constructions. Ici réside tout l’apport de la décision commentée.

II. Une exclusion des résidences services seniors non fondée sur la notion de « destination » mais sur celle de « vocation »

Une décision fondée sur la définition des résidences services au sens du CCH

La cour administrative d’appel avait exclu l’application des secteurs de mixité sociale aux RSS, en prenant appui sur les dispositions de l’arrêté du 10 novembre 2016 qui définit les nouvelles destinations et sous-destinations, et ce, alors même que le PLU lui était antérieur.

Ne suivant pas la cour sur ce point, le Conseil d’État s’est fondé sur les articles du code de la construction et de l’habitation définissant une résidence services6.

Ainsi, considérant que la résidence, « uniquement destinée à des personnes âgées », « assurera des services communs destinés à répondre aux besoins de cette catégorie de population », le Conseil d’État en a déduit qu’une telle construction disposait d’une « vocation » d’hébergement et non de logement et qu’elle ne pouvait être regardée à ce titre comme un « programme de logements » au sens de l’article L. 151-15 du code de l’urbanisme.

Les RSS ne peuvent donc se voir imposer qu’un pourcentage du programme soit affecté à du logement social.

Quelle portée pour la notion de « vocation d’hébergement » ?

Par le truchement de cet artifice sémantique, le Conseil d’État a ainsi levé la question de l’opposabilité des règles applicables en matière de logement social aux RSS.

Toutefois, outre les difficultés que peut poser cette décision s’agissant des possibilités pour les communes de remplir leurs obligations en matière de réalisation de quota de logements sociaux, le Conseil d’État ne lève pas toutes les incertitudes.

A cet égard, demeure pendante la question de la légalité – douteuse – d’un PLU qui imposerait spécifiquement l’application des secteurs de mixité sociale à des constructions entrant dans la sous-destination d’hébergement.

De même, si, selon toute vraisemblance, une application similaire de la « vocation » devrait trouver écho s’agissant des secteurs de taille de logements, qui visent également des « programmes de logements », cela devra toutefois être confirmé par le juge administratif.

Quelques précisions

1Voir O. Bonneau et A. Vaz, « Cachez cette destination que je ne saurais voir », BPIM, à paraître.

2 Loi ENL

3 Article L. 151-41 C. urb.

4 Article L. 151-15 C. urb.

5 Voir décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme et arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.

6 A cet égard le Conseil d’État rappelle que : « une résidence services permet à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables, précisés dans le contrat de location notamment lorsque le gérant de ces services est également le bailleur, et qui sont l’accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs, la mise à disposition d’un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d’assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et à la surveillance des biens, et le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés. Les occupants peuvent en outre souscrire des services spécifiques individualisables auprès de prestataire ».

Abréviations

CCH : code de la construction et de l’habitation

PLU : plan local d’urbanisme

RSS : résidences services sénior

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Antoine Vaz

Avocat. Intervient en droit de l'urbanisme.

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