Expropriation

Expropriation – Cour de cassation – Revirement de jurisprudence – Annulation potentielle de la DUP ou de l’arrêté de cessibilité – Cassation d’une ordonnance d’expropriation pour perte de fondement légal (non)

Par un arrêt en date du 16 janvier 2025, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en clarifiant que l’annulation potentielle de l’arrêté de déclaration d’utilité publique (DUP) ou de l’arrêté de cessibilité (et donc l’absence de toute décision définitive rendue par le juge administratif sur ce point) ne conduit plus, d’office, à ouverture à cassation de l’ordonnance d’expropriation qui s’en est suivie pour défaut de base légale.

Saisie par une société expropriée qui avait formé un pourvoi en cassation, sur le fondement de l’article L. 223-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à l’encontre d’une ordonnance portant transfert de propriété au profit d’un établissement public foncier, la Cour de cassation devait se positionner sur la validité et le sort d’une ordonnance d’expropriation compte tenu d’un recours en annulation engagé devant le juge administratif à l’encontre de l’arrêté de cessibilité.

La Cour de cassation rappelle la jurisprudence constante selon laquelle un exproprié avait la possibilité de former un pourvoi en cassation avant le prononcé de cette annulation (de l’arrêté de DUP ou de l’arrêté de cessibilité), pour demander la cassation de l’ordonnance d’expropriation du fait de l’annulation à intervenir (3e Civ., 17 décembre 2008, pourvoi n° 07-17.739, publié), le recours en rétablissement à cette fin étant admis tant que le délai de péremption de l’instance n’était pas acquis (3e Civ., 17 décembre 1996, pourvoi n° 88-70.033 ; 3e Civ., 7 juin 2011, pourvoi n° 99-70.266).

La Haute juridiction opère néanmoins un revirement de jurisprudence en considérant, désormais, que l’éventuelle annulation à intervenir de l’arrêté de déclaration d’utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité ne donne plus lieu à ouverture, d’office, à cassation de l’ordonnance d’expropriation pour perte de fondement légal, sur le fondement de l’article L. 223-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Cette interprétation repose sur les dispositions des articles L. 223-2 et R. 223-1 à R. 223-8 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui régissent le recours ouvert à tout exproprié qui, une fois la décision définitive du juge administratif annulant un arrêté de DUP ou un arrêté de cessibilité, pourra faire constater par le juge que l’ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale et demander son annulation.

L’exproprié dispose en effet, s’il entend faire constater le manque de base légale de l’ordonnance portant transfert de propriété, d’un délai de deux mois pour saisir le juge de l’expropriation, courant à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif ou, si l’exproprié n’a pas été partie à la procédure devant la juridiction administrative, à compter de la réception de l’information donnée par l’expropriant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie de signification.

« 9. Ainsi, l’annulation d’une ordonnance d’expropriation pour perte de fondement légal, selon la procédure prévue aux articles L. 223-2 et R. 223-1 à R. 223-8 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, constitue un recours garantissant pleinement les droits de l’exproprié.

10. En conséquence, il convient désormais de juger que l’annulation à intervenir de la déclaration d’utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité ne donne pas lieu à ouverture à cassation de l’ordonnance d’expropriation pour perte de fondement légal.

11. Cette nouvelle règle de procédure, qui ne prive pas l’exproprié de son droit d’accès au juge, est d’application immédiate, sauf notification, avant le présent arrêt, d’une décision définitive d’annulation prononcée par la juridiction administrative.

12. Aucune décision définitive annulant l’arrêté de cessibilité du 22 septembre 2022 n’étant intervenue, le moyen est irrecevable ».

Cass, 3e civ., 16 janvier 2025, n° 23-21.174, Bull.

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