Droit de l'environnementDroit des espèces protégées

Dérogation espèces protégées – A tout moment – Cas de mortalité – Analyse circonstanciée

Deux décisions du Conseil d’État rendues en fin d’année 2024 ont précisé le régime de la dérogation « espèces protégées » après la délivrance de l’autorisation environnementale d’exploiter un parc éolien.

Dans une décision du 31 décembre 2024 (n° 475236), le Conseil d’État a jugé qu’une dérogation « espèces protégées » peut être requise dès lors que l’installation faisant l’objet d’une autorisation environnementale comporte un risque suffisamment caractérisé, nonobstant le caractère définitif de l’autorisation ou la circonstance que le risque ne résulte pas d’une modification de cette autorisation. De même, lorsque la modification de l’autorisation présente un caractère substantiel, il appartient à l’autorité compétente de rechercher si le projet présente un risque caractérisé pour les espèces et, le cas échéant, d’imposer au bénéficiaire de solliciter une telle dérogation sur le fondement de l’article L. 171-1 du code de l’environnement.

Dès lors, la circonstance que l’autorisation soit devenue définitive ne suffit pas à démontrer que le pétitionnaire n’était pas tenu de solliciter une telle dérogation :

9. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour juger que le préfet de l’Hérault ne pouvait légalement faire droit à la demande des associations requérantes tendant à ce qu’il enjoigne aux sept sociétés exploitantes des parcs éoliens dits du Causse d’Aumelas, sur le fondement de l’article L. 171-7 du code de l’environnement, de solliciter la délivrance d’une dérogation  » espèces protégées « , la cour s’est bornée à relever que ces sociétés bénéficiaient chacune de permis de construire devenus des autorisations environnementales définitives et ne pouvaient, dès lors, être regardées comme exploitant une installation sans autorisation au sens de cet article L. 171-7. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu’en statuant ainsi, alors que le caractère définitif des autorisations environnementales en cause était sans incidence sur la possibilité pour le préfet d’enjoindre à tout moment à la société exploitante, au titre de cet article L. 171-7, de solliciter une dérogation  » espèces protégées « , la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’erreur de droit.

CE, 31 décembre 2024, Association France Nature Environnement et autres, n° 475236

A contrario, par une décision en date du 27 décembre 2024, le Conseil d’État a approuvé l’analyse de la cour administrative d’appel qui, au terme d’une analyse circonstanciée, a estimé que malgré des cas réels de destruction de spécimens d’espèces protégées sur le site, ceux-ci demeurent limités compte tenu des particularités des espèces protégées fréquentant le site éolien et des mesures d’évitement et de réduction mises en oeuvre :

7. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que pour juger que la décision du préfet de Saône-et-Loire refusant d’enjoindre à la société Eoliennes de La Chapelle-au-Mans de déposer une demande de dérogation espèces protégées n’était entachée d’aucune illégalité, la cour a tout d’abord relevé que l’étude d’impact initiale avait identifié, sur le site d’implantation du projet, plusieurs espèces d’oiseaux et de chiroptères et que l’arrêté d’autorisation en avait tenu compte en prescrivant des mesures d’évitement et de réduction destinées à éloigner les animaux vulnérables, ainsi qu’un plan de bridage pour les chiroptères et un suivi environnemental. Elle a également relevé les cas de destructions de spécimens d’espèces protégés constatés dans le cadre de ces suivis environnementaux sur les années 2020 et 2021. Elle a enfin estimé, après avoir considéré que les estimations et projections statistiques versées au dossier demeuraient incertaines, que ces cas réels de destruction de spécimens d’espèces protégées, compte tenu des particularités des espèces protégées fréquentant le site éolien, et des mesures d’évitement et de réduction mises en œuvre, restaient limités. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 qu’en jugeant qu’aucune des circonstances dont se prévalaient les associations requérantes ne saurait, en l’état, suffire à révéler l’existence de risques suffisamment caractérisés pour des espèces protégées ou leurs habitats, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

CE, 27 décembre 2024, Association Sauvegarde Sud-Morvan et autres, n° 484088

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