Cour de justice de l’Union européenne – BEFA – Qualification en marché public de travaux (non)
Le 22 avril 2021, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la possible requalification en marché public de travaux d’un bail en l’état futur d’achèvement.
En l’espèce, la Commission européenne avait intenté un recours à l’encontre de la République d’Autriche au motif que le contrat de location longue durée d’un immeuble à construire conclu par une société immobilière publique revêtait en réalité toutes les caractéristiques d’un marché public de travaux.
Selon la Commission, la réalisation d’un ouvrage constitue un marché public de travaux lorsque celle-ci répond à des besoins précisés par un pouvoir adjudicateur. Il en va ainsi dès lors que les « spécifications demandées par le pouvoir adjudicateur vont au-delà des exigences habituelles d’un locataire » (point 51 de la décision de la Cour) ou lorsque ce dernier « a pris des mesures afin de définir les caractéristiques de l’ouvrage ou à tout le moins d’exercer une influence déterminante sur la conception de celui-ci » (point 50).
Alors même que l’avocat général concluait à la requalification en marché public de travaux, la Cour retient qu’il « est usuel qu’une entreprise, qu’elle soit privée ou publique, qui cherche à louer un immeuble de bureaux, fasse préciser certains souhaits quant aux caractéristiques que ce site devrait, dans la mesure du possible, réunir » (point 81) mais également qu’il n’est « pas inhabituel qu’un locataire prenne des mesures afin de s’assurer que l’emménagement dans les locaux puisse avoir lieu à la date prévue, notamment lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’un emménagement de grande ampleur » (point 78). De ce fait, la Cour exclut la supposée influence de la société publique sur la conception et la réalisation de l’ouvrage.
Dans le même temps, la CJUE écarte le moyen relatif à l’absence de permis de construire délivré préalablement à la conclusion du contrat litigieux. La Cour retient à ce propos que « selon une pratique commerciale courante, les projets architecturaux de grande ampleur sont mis en location bien avant la finalisation des plans de construction détaillés, de telle sorte que le propriétaire du site ou le maître d’ouvrage n’entame la procédure formelle d’obtention d’un permis de construire que lorsqu’il dispose d’engagements de la part de locataires futurs pour une partie importante des surfaces du bâtiment projeté. » (point 74).
Sur ce point, la jurisprudence européenne se démarque d’une récente décision de la cour administrative d’appel de Nancy, cette dernière faisant de l’obtention d’un permis de construire un critère déterminant (voir en ce sens notre précédente veille sur la décision CAA Nancy, 15 avril 2021, n° 19NC02073).
En conséquence, le contrat litigieux ne pouvait être qualifié de marché public de travaux.
CJUE, 22 avril 2021, affaire C-537/19