Contrats et propriétés publics

Contrat de bail ou d’achat d’un bien immobilier – Requalification en marchés publics de travaux – Influence déterminante sur la conception des ouvrages – Structure architecturale du bâtiment – Aménagements intérieurs spécifiques ou d’ampleur

Dans un arrêt en date du 3 avril 2024, le Conseil d’État apporte des précisions, d’une part, sur la requalification en marché public de travaux, d’un contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l’objet de travaux à la charge de son cocontractant.

« 3. (…) Le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l’objet de travaux à la charge de son cocontractant constitue un marché de travaux au sens des dispositions précitées des articles 4 et 5 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 lorsqu’il résulte des stipulations du contrat qu’il exerce une influence déterminante sur la conception des ouvrages. Tel est le cas lorsqu’il est établi que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes de l’acheteur concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur. »

En l’espèce, le centre hospitalier Alpes-Isère avait conclu avec une société un BEFA prévoyant la location, au centre hospitalier, de trois bâtiments, pour une durée de 15 ans. Il ressort des documents produits à l’instance et notamment du contrat en litige (notice descriptive sommaire, cahier des prestations techniques d’aménagement et de livraison) que la construction et l’aménagement de l’un des bâtiments répondaient, non seulement aux besoins du centre hospitalier, mais également à ses exigences, dès lors que ce dernier avait requis de « nombreux aménagements intérieurs (…) nécessaires aux activités thérapeutiques spécifiques devant s’y dérouler ».

Le Conseil d’État valide ainsi le raisonnement de la cour administrative d’appel de Marseille ayant conclu que le centre hospitalier avait exercé une influence déterminante sur la conception de ces ouvrages qui répondaient à ses besoins, de sorte que le BEFA devait être requalifié en marché public de travaux.

D’autre part, le Conseil d’État rappelle l’interdiction posée par l’article L. 2191-5 du code de la commande publique relatif à l’interdiction d’insertion de clause de paiement différé au sein des marchés publics.

« 6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d’appel de Marseille a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, relevé qu’en vertu du contrat en litige, les travaux d’aménagement du bâtiment A et de construction du bâtiment C étaient rémunérés par le centre hospitalier, non par le versement immédiat d’un prix, mais par le versement de loyers ainsi que de ” surloyers ” d’un montant annuel de 31 852,80 euros pendant une durée de dix ans à compter de la livraison du bâtiment C. Par suite, après avoir requalifié le contrat en litige en marché public de travaux ainsi qu’il a été dit au point 4, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’une telle clause prévoyant ces versements, qui constituaient des paiements différés, était prohibée dans les marchés publics passés par les établissements publics de santé, en application des dispositions de l’article 60 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 citées au point précédent. »

CE, 3 avril 2024, Société Victor Hugo 21 n°472476, Rec. Leb.


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