Annulation d’un refus de permis de construire – Office du juge de première instance – Office du juge d’appel – Economie de moyens
Dans un arrêt du 22 mars 2024, n°463970, le Conseil d’Etat rappelle l’office des juges du fond saisi d’un refus de délivrance d’une autorisation d’urbanisme.
En l’espèce, le Conseil d’Etat ne censure pas la cour administrative d’appel qui s’est bornée à fonder l’infirmation du jugement du tribunal administratif lequel avait annulé le refus de délivrance d’un permis de construire, sur le seul motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, sans examiner les autres motifs de refus dont il avait été constaté l’illégalité par les premiers juges.
En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle les pouvoirs du juge de première instance saisi d’un refus de permis de construire : ce dernier ne peut annuler cette décision que si l’ensemble des motifs retenus par l’autorité administrative, tenant à la légalité interne et au détournement de pouvoir, sont fondés. Le juge distingue ensuite deux hypothèses.
- Lorsqu’il annule une décision de refus, le juge de l’excès de pouvoir, lequel ne peut faire application du principe de l’économie de moyens, doit se prononcer sur l’ensemble des moyens de la requête ;
- Toutefois, lorsque le juge constate que l’un ou des motifs sont de nature à fonder la décision de refus prise par l’administration, le juge peut rejeter le recours formé par le pétitionnaire sans se prononcer sur les moyens de la requête qui ne se rapportent pas à la légalité des motifs de refus de la décision.
En second lieu, le Conseil d’Etat estime que le juge d’appel, pour confirmer le jugement ayant annulé le refus d’autorisation, doit se prononcer sur les motifs d’annulation retenus par le tribunal administratif dès lors qu’ils sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d’appel estime fondé l’un des motifs de refus et qu’il constate que l’administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, alors il peut rejeter le recours formé par le requérant sans examiner les autres motifs retenus par l’administration et sur lesquels les premiers juges se sont déjà prononcés.
« 3. Une décision rejetant une demande d’autorisation d’urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l’excès de pouvoir à raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d’illégalité. En outre, en application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu’il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l’ensemble des moyens de la demande qu’il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu’ils portent d’ailleurs sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu’il juge que l’un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus.
4. Saisi d’un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d’urbanisme, il appartient au juge d’appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d’annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d’appel estime qu’un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l’administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les dispositions citées au point 2, rejeter la demande d’annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l’autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés. »
CE, 22 mars 2024, n°463970, Commune de Cuttoli Corticchiato, Tab. Leb.