CJUE – Recours à une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence – Existence de droits exclusifs – Prise en compte du comportement de l’acheteur (oui)
Par une décision du 9 janvier 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a apporté d’importantes précisions quant au recours, par les acheteurs publics, au marché sans publicité préalable pour des « raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection du droit d’exclusivité », régi en droit interne par l’article R. 2122-3 du code de la commande publique.
Pour rappel, l’article 31 de la directive 2008/18 prévoit que, dans le cas des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché lorsque, pour les raisons mentionnées ci-dessus, « le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé ».
À l’occasion d’une question préjudicielle posée sur l’interprétation de ces dispositions, la CJUE a indiqué qu’un acheteur ne pouvait se prévaloir de cette exonération aux obligations de publicité et de mise en concurrence lorsque la création ou le maintien de la situation d’exclusivité qu’il invoque à cet effet lui est imputable :
(…) un pouvoir adjudicateur est tenu de faire tout ce qui est susceptible d’être raisonnablement attendu de lui pour éviter l’application de l’article 31, point 1, sous b), de la directive 2004/18, et ce afin de recourir à une procédure plus ouverte à la concurrence. Or, il serait incompatible avec cette exigence de permettre à un tel pouvoir adjudicateur d’appliquer cette disposition alors que la création ou le maintien de la situation d’exclusivité qu’il invoque à cet effet lui est imputable, du fait, notamment, que, afin d’atteindre le résultat visé par le marché concerné, ce pouvoir adjudicateur n’avait pas besoin de générer une telle situation d’exclusivité ou qu’il disposait de moyens réels et raisonnables du point de vue économique pour mettre fin à une telle situation » (pt. 31).
La CJUE adopte donc une interprétation stricte des dispositions de la directive : outre les conditions déjà posées par ce texte, il est désormais nécessaire, afin d’apprécier la régularité du recours à cette dérogation, de s’intéresser au comportement préalable de l’acheteur :
En ce qui concerne, en second lieu, l’appréciation, par une juridiction nationale compétente, de l’existence d’une telle imputabilité dans le chef d’un pouvoir adjudicateur, il incombe à celle-ci de déterminer si le comportement de ce pouvoir adjudicateur, notamment lors de la conclusion d’un contrat antérieur ayant donné lieu au marché public concerné, est à l’origine de l’apparition d’une situation d’exclusivité, laquelle est susceptible de justifier, en théorie, l’application de l’article 31, point 1, sous b), de la directive 2004/18 pour l’attribution du marché public concerné. Cette juridiction nationale doit également examiner si la perpétuation d’une telle situation d’exclusivité jusqu’à la décision dudit pouvoir adjudicateur de suivre la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché est due à l’action ou à l’inaction de ce même pouvoir adjudicateur » (pt. 33).
CJUE, 9 janvier 2025, Česká republika – Generální finanční ředitelství, n° C-578/23