Annulation d’une délibération approuvant un PLU et créant un sous-secteur – Créance d’un lotisseur – Prescription quadriennale (Art. 1 et 2 Loi 31 déc. 1968) – Absence d’interruption
Dans un arrêt du 19 juin 2024 (473965), le Conseil d’État juge que ni des courriers de prise de position du maire et du préfet, ni des arrêtés de délivrance ou de refus de délivrance de permis de construire délivrés à d’autres pétitionnaires n’interrompent le cours de la prescription quadriennale de la créance dont se prévaut un lotisseur à la suite de l’annulation de la délibération approuvant un PLU et créant un sous-secteur pour permettre l’implantation de son lotissement, s’il n’est pas question, dans ces différentes pièces, du fait générateur, de l’existence, du montant ou du paiement de la créance.
Dans la présente affaire, une délibération du 22 novembre 2007 a approuvé le PLU de la commune de Donnery, et créé un sous-secteur en zone AUG en limite de la zone Ng, afin d’accueillir un lotissement de 15 maisons d’habitation individuelles réalisées par la SARL Les Jardins Fleury. Cette délibération a été annulée par un jugement du 25 mai 2010 du tribunal administratif d’Orléans, pour erreur manifeste d’appréciation.
Par un courrier du 22 décembre 2017, la SARL demande au maire de la commune l’indemnisation du préjudice financier (2,7 millions d’euros) résultant de l’illégalité fautive de la délibération, tenant aux dépenses engagées pour l’aménagement du lotissement et à l’impossibilité de procéder à la valorisation des terrains par leur vente, du fait de leur caractère inconstructible. Cette demande est refusée par un courrier du maire (6 février 2018), un jugement du tribunal administratif d’Orléans (16 octobre 2020) et un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (9 mars 2023), contre laquelle la SARL forme un pourvoi en cassation.
Le Conseil d’État rappelle au visa de l’article 1er et 2 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics que : « sont prescrites (…) toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis », et que « la prescription est interrompue par : / (…) toute communication écrite d’une administration intéressée (…) dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance (…)
En application de ces deux articles, le Conseil d’État juge que :
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le fait générateur de la créance dont la société requérante se prévalait était l’illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune de Donnery. En jugeant que ni les courriers, au demeurant antérieurs au 1er janvier 2011, date à laquelle la prescription quadriennale a recommencé à courir à la suite du jugement du 25 mai 2010 annulant cette délibération (…) , ni les différents arrêtés par lesquels le maire a, entre 2011 et 2013, délivré ou refusé de délivrer des permis de construire sur ces terrains et les courriers de 2011 par lesquels le préfet a fait connaître les suites qu’il entendait y donner dans le cadre du contrôle de légalité ne pouvaient être regardés comme se prononçant, au sens de l’article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, sur le fait générateur, l’existence, le montant ou le paiement de la créance litigieuse et ainsi comme ayant été susceptibles d’avoir interrompu le cours de la prescription quadriennale en application de ces dispositions, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
En conséquence, le Conseil d’État rejette la demande de la SARL Les Jardins Fleury, et confirme l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, dès lors que la créance dont se prévalait la société était prescrite.
CE, 19 juin 2024, Société Les Jardins Fleury, n° 473965, Rec. Leb.