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Préemption – Droit de délaissement – Détournement de pouvoir (oui) – Zone d’aménagement concerté (ZAC)

Par un arrêt en date du 31 janvier 2024, la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé que sont entachées de détournements de pouvoir une décision de préemption et la modification du périmètre d’une ZAC prises uniquement pour faire obstacle au droit de délaissement du propriétaire et à l’établissement d’une valeur de référence pour le prix des futures cessions :

“7. En premier lieu, ainsi que le fait valoir la société Klécar, il ressort tant de la chronologie des faits que des différentes pièces versées au dossier, que la modification du périmètre de la ZAC, décidée quelques mois après que la société Klécar eut mis la commune en demeure d’acquérir ses biens, avait pour objectif de faire obstacle au droit de délaissement de la société Klécar dont le prix, qui devait être fixé par le juge de l’expropriation selon la méthode de la valorisation par capitalisation du revenu, allait être selon toute vraisemblance réévalué de dix millions voire quinze millions au-dessus de l’estimation, réalisée par les services de France Domaine selon la méthode par comparaison, ayant justifié initialement la décision de préemption de la ville. (…)

12. Dans ces conditions, la société Klécar est fondée à soutenir que la modification du périmètre de la ZAC a été décidée dans le seul but de faire obstacle à son droit de délaissement et est entachée d’un détournement de pouvoir.”

Par ailleurs, France Domaine, en fournissant un avis sur l’évaluation de la valeur vénale d’un bien non fondé sur des biens comparables, commet une faute de nature à engager la responsabilité de l’État :

“36. Il résulte de l’instruction que l’avis de France Domaine daté du 28 mars 2014 évaluant à 5,3 millions d’euros les biens de la société Klécar et sur la base duquel le maire de Chartres a décidé d’exercer le droit de préemption urbain, était fondé uniquement sur une évaluation par comparaison qui, selon les conclusions du commissaire du gouvernement, confirmées par plusieurs avis d’experts produits au dossier par la société appelante, n’était pas pertinente s’agissant de biens intégrés dans un centre commercial, dont le marché est très segmenté, lesquels sont en principe évalués par application de la méthode de la valorisation par capitalisation du revenu. Ces mêmes biens ont d’ailleurs été évalués en 2018 par les services fiscaux à un montant de 15,3 millions d’euros, soit près de trois fois le prix évalué par France Domaine en 2012 et 2014, différence qui ne saurait s’expliquer par la seule date d’évaluation. Au surplus, les biens ayant servi de termes de comparaison n’étaient généralement pas appropriés, ne se situant pas pour la plupart dans des galeries commerciales. Par suite, en s’abstenant d’évaluer les biens de la société Klécar selon la méthode de la valorisation par capitalisation du revenu ou, du moins, en s’abstenant de croiser l’évaluation réalisée selon la méthode par comparaison avec celle de la valorisation par capitalisation du revenu, les services de France Domaine ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.”

CAA Versailles, 31 janvier 2024, Klécar France c. Chartres, n° 22VE00765

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