Dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme – Responsabilité du géomètre-expert (oui) – Prise en compte de l’annulation postérieure du POS appliqué (non)
Dans un arrêt du 4 avril 2024 n°22-18.509 et n°22-18.511, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’un géomètre-expert qui dépose une demande de permis d’aménager non conforme au POS alors en vigueur commet une faute quand bien même ce POS serait annulé ultérieurement.
En l’espèce, Madame T. a confié Monsieur F., géomètre-expert, le dépôt d’un permis d’aménager. Le contrat prévoyait que chacun des six lots du lotissement créé devaient épuiser au maximum les dispositions d’urbanisme applicables. Le permis d’aménager ces lots, d’une surface de 80 m2 chacun, a été autorisé le 12 mars 2007.
En raison des difficultés de commercialisation des lots du fait de l’erreur du géomètre-expert sur le calcul de l’emprise au sol maximal, Madame T a résilié le contrat conclu avec ce dernier, et contracté avec un nouveau géomètre expert aux fins d’obtenir un permis d’aménager modificatif portant sur l’augmentation des surfaces d’emprise au sol.
Le géomètre a ainsi assigné Madame T. en paiement de ses honoraires. Cette dernière a demandé reconventionnellement la réparation de son préjudice résultant du retard de commercialisation.
En appel, le géomètre a été condamné à verser à Madame T. la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice. La Cour a en effet estimé que Monsieur F. avait commis une faute en ne faisant pas application de l’article UC9 du POS en vigueur au moment de la demande de permis de lotir, selon lequel le coefficient maximal d’emprise au sol devait être calculé sur la surface de chaque lot et non sur la surface totale.
Toutefois, Monsieur F. se prévalait du fait que le document d’urbanisme avait été annulé par jugement du tribunal administratif du 25 novembre 2010, (soit postérieurement à sa demande). Il soutenait qu’il incombait à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal.
La Cour de cassation rappelle tout d’abord que la faute du géomètre s’apprécie à la date de l’exécution de sa mission. La faute était ainsi caractérisée du fait que la demande déposée par le géomètre n’était pas conforme à son obligation « d’épuiser au maximum les dispositions d’urbanisme applicables à chacune des parcelles créées » qu’importe que l’article UC 9 ait fait l’objet d’une annulation ultérieure.
» 8. La faute du géomètre-expert s’appréciant à la date de l’exécution de sa mission, l’effet rétroactif de l’annulation ultérieure d’un règlement d’urbanisme est sans incidence sur cette appréciation.
9. Par ailleurs, le principe selon lequel il incombe à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal ne permet pas au professionnel, chargé contractuellement d’établir un projet exploitant au maximum les possibilités offertes par les règles locales d’urbanisme, de se fonder, sans l’accord de son cocontractant, sur d’autres règles que celles en vigueur au moment de l’exécution du contrat.
10. La cour d’appel a constaté que M. [F] s’était engagé à concevoir un projet qui « épuise au maximum les dispositions d’urbanisme applicables à chacune des parcelles créées ».
11. Elle a retenu que la demande d’autorisation établie par le géomètre-expert n’était pas conforme à cette obligation car, à la date à laquelle elle avait été déposée, le plan d’occupation des sols (POS) de la commune permettait de calculer le coefficient d’emprise au sol des constructions sur la surface de chaque lot plutôt que sur la totalité de la surface à lotir.
12. Malgré l’annulation ultérieure de la modification du POS qui permettait ce calcul, elle a pu en déduire que M. [F], qui n’avait pas tenu compte de la règle en vigueur à la date du dépôt du permis d’aménager, avait manqué à ses obligations contractuelles.
13. Le moyen n’est donc pas fondé. «
Cour de cassation, 3ème Civ. 4 avril 2024, 22-18.509 22-18.511, Publié au bulletin