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Demande de dérogation espèces protégées (DDEP) – Raison impérative d’intérêt public majeur – Réalisation de logements sociaux (non)

Par un jugement en date du 28 septembre 2023, la cour administrative d’appel de Nancy a jugé qu’un projet de construction de trois bâtiments de logements sociaux ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur suffisante pour obtenir une dérogation pour la destruction de spécimens protégés de la salamandre tachetée, dès lors, notamment, que la commune où il devait être réalisé satisfaisait déjà aux exigences de la loi SRU :

6. L’espèce, objet de la demande de dérogation, est protégée par l’article 3 de l’arrêté du 8 janvier 2021 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection qui prévoit que sont interdits, sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, et la perturbation intentionnelle des animaux, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l’espèce considérée de la salamandre tachetée qui est également inscrite sur la liste rouge des amphibiens et des reptiles de Lorraine, de France métropolitaine, d’Europe et mondiale.

Les arrêtés du 16 novembre 2018 en litige ont autorisé cependant les pétitionnaires à déroger à cette interdiction en autorisant la capture temporaire avec relâché et la destruction de spécimens de cette espèce au motif que le projet de construction de trois bâtiments pour des logements en accession sociale répond à des raisons impératives d’intérêt public majeur en contribuant à l’atteinte des objectifs du programme local de l’habitat durable de la métropole du Grand Nancy et du quota de logements sociaux définis par la loi solidarité et renouvellement urbain, tout en limitant l’étalement urbain sur les terres agricoles. Il résulte toutefois des pièces du dossier que ce projet privé même s’il permet de concourir à la poursuite de ces objectifs d’intérêt public d’aménagement durable et de politique du logement social, n’était pas nécessaire pour les atteindre dès lors que la commune satisfait à la date de la décision attaquée aux exigences de la loi SRU et qu’en outre, aucun élément ne vient étayer l’affirmation selon laquelle, sans ce projet, ces objectifs ne pourraient être atteints qu’au détriment des terres agricoles environnantes, ni ne démontre que la métropole du Grand Nancy et le secteur auquel appartient Villers-lès-Nancy en particulier, connaîtrait une situation de tension particulière en matière de logement social en raison d’une hausse démographique prévisible et d’un besoin non satisfait. En outre, il n’est pas établi que ce projet aurait pu être réalisé sur une emprise foncière moins attentatoire à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage alors que les sites permettant le développement de ce type de projets ne sont pas inexistants, tant sur le territoire de la commune de Villers-lès-Nancy qu’au niveau de la métropole nancéienne. Par suite, même si ce projet présente un intérêt public, il ne répond toutefois pas à une raison impérative d’intérêt public majeur suffisante pour justifier, en l’espèce, qu’il soit dérogé à la législation assurant l’objectif de conservation de la faune sauvage. Par suite, la dérogation accordée par l’arrêté du 16 novembre 2018 ne peut être regardée comme justifiée par l’un des motifs énoncés au c) du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

Cour administrative d’appel de Nancy, 28 septembre 2023, n° 20NC03693

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