Droit de l'environnement

DDEP – Abattage indiscriminé de bouquetins – Absence de solution alternative satisfaisante (non)

Dans une décision du 15 février 2023, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que l’abattage indiscriminé de bouquetins sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose ne remplissait pas la condition d’absence de solution alternative satisfaisante, condition de délivrance d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées (DDEP)

En l’espèce, par un arrêté préfectoral de 2021, le préfet de la Haute Savoie a autorisé la capture et l’euthanasie de bouquetins séropositifs et a ordonné l’abattage de vingt bouquetins dans le massif du Bargy.

L’association One Voice a formé un recours en annulation à l’encontre de cet arrêté en soutenant notamment que les conditions d’octroi de la DDEP, fixées à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, n’étaient pas réunies.

L’association a interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté la requête.

La cour administrative de Lyon rappelle d’abord les trois conditions d’octroi d’une DDEP :

14. Il résulte de l’article L. 411-1 et du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l’autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés.

S’agissant de la condition tenant à l’absence de solution alternative satisfaisante, elle juge que :

17. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu’à défaut de pouvoir envisager une éradication de l’épidémie à court terme, les mesures ordonnées tendent à diminuer le nombre d’animaux infectés, afin de limiter la probabilité de contact entre un individu infecté et des animaux domestiques et d’atteindre un niveau d’infection suffisamment bas pour permettre une extinction naturelle de l’épidémie. Dès lors, si une mesure d’élimination sélective, consistant à euthanasier les individus testés séropositifs, apparaît comme la plus à même de parvenir à l’objectif poursuivi, tel n’est pas le cas de l’abattage indiscriminé de bouquetins, sans dépistage préalable. Ainsi, comparant un premier scénario d' » abattage indiscriminé en cœur de zone et [d]’élimination sélective en zone périphérique  » et un second d’  » élimination sélective dans le cœur de zone et de surveillance seule en périphérie « , l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a, dans son avis du 14 septembre 2017, estimé que ce second scénario permettait d’attendre des résultats identiques au premier, tout en préservant un plus grand nombre d’individus. (…) Enfin, si l’ANSES a précisé que le succès de ce second scénario suppose la mise en œuvre de moyens importants pour capturer un maximum d’animaux, le ministre en charge de l’environnement ne prétend pas que celui-ci ne serait pas raisonnablement réalisable. Dans ces conditions, et nonobstant l’avis favorable préalablement émis par le Conseil national de la protection de la nature, l’arrêté litigieux, en autorisant l’abattage indiscriminé de bouquetins sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose, ne retient pas la solution la plus satisfaisante pour atteindre les objectifs qu’il poursuit tout en préservant cette espèce protégée.

Par suite, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et l’arrêté préfectoral susmentionné en ce qu’il autorise l’abattage indiscriminé de bouquetins des Alpes sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose.

CAA Lyon, 15 février 2023, n° 21LY02822

Réseaux sociaux