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Annulation totale du PLUi-H de Toulouse Métropole : une méthode mal calibrée pour calculer la consommation foncière conduit à faire tomber un document d’urbanisme couvrant un territoire de près de 800 000 habitants

Par jugements des 30 mars 2021 et 20 mai 2021 (req. n° 1902329), le plan local d’urbanisme intercommunal valant plan local de l’habitat de Toulouse Métropole (ci-après « PLUiH ») a été annulé dans son ensemble par le tribunal administratif de Toulouse, sans modulation dans le temps, en raison notamment de la méthode de calcul mise en œuvre pour apprécier la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ci-après « NAF ») sur les dix années précédant son approbation, qui aurait conduit à la surestimer. Quant aux objectifs de consommation foncière prévus par le PADD, ils auraient été, d’une part, « mal calibrés » en raison de l’utilisation de données obsolètes et, d’autre part, insuffisamment justifiés. La métropole a annoncé qu’elle ferait appel de ces jugements, dont les motifs résonnent immanquablement avec l’actualité juridique puisque l’intégration de l’objectif de « zéro artificialisation nette » du territoire (ci-après « ZAN ») à l’horizon 2050 est en cours de débat devant le Parlement.


I. CALCUL ERRONÉ DE LA CONSOMMATION PASSÉE DES ESPACES NAF ET OBJECTIFS DE MODÉRATION BASÉS SUR DES DONNÉES OBSOLÈTES = ANNULATION TOTALE


Méthode de calcul : l’obligation de tenir compte des données les plus récentes relatives à la consommation foncière précédant l’approbation du PLUi


L’article L. 151-4 du c. de l’urb., dans sa version applicable au litige1, disposait que : 

« Le rapport de présentation analyse la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l’approbation du plan. (…) Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD au regard des objectifs de consommation de l’espace fixés, le cas échéant, par le SCoT et au regard des dynamiques économiques et démographiques ». 

A ce titre, sur la base de photographies satellitaires et aériennes inscrites dans le rapport de présentation du PLUi-H de Toulouse-Métropole, un ralentissement de la consommation d’espaces a été enregistré entre 2007 (181 ha/an) et 2013 (154 ha/an). 

Lors du diagnostic initial, et faute d’éléments d’information suffisants sur la consommation foncière entre 2014/2018, une projection sur cette période a été réalisée à partir des données de 2007/2013 pour satisfaire aux exigences de l’art. L. 151-4 du c. de l’urb. 

Certains requérants ont cependant reproché aux auteurs du PLUi-H de ne pas avoir ajusté la projection établie pour 2014/2018 à l’analyse de la consommation réalisée en 2016 dans le cadre de la révision du SCoT, dont les résultats auraient été publiés avant l’arrêt du projet du PLUi-H, alors même qu’elle faisait ressortir « une consommation moyenne inférieure de plus de 38% à celle qui avait été retenue pour l’extrapolation initiale ».

En dépit des difficultés auxquelles sont confrontés les auteurs de PLUi-H dans la collecte et le traitement des données relatives à la consommation foncière, le juge administratif a estimé que l’analyse du SCoT de 2016 aurait dû être prise en considération dans la version arrêtée du PLUi.


Surestimation de la consommation foncière : une méconnaissance du principe de modération de  consommation des sols


Pour aboutir à l’annulation du PLUi-H, le tribunal administratif de Toulouse a retenu les éléments suivants :

  • PADD : la modération de la consommation foncière sur le territoire à été fixée à 10 % par rapport à la consommation analysée sur la seule période observée (allant de 2007 à 2013), sans  prendre en compte les données récentes de la période 2014 à 2018, ni même le justifier. De plus, la méthode de calcul des besoins en foncier est fondée sur des indicateurs obsolètes et est insuffisamment expliquée ;
  • rapport de présentation : une insuffisance dans l’explication de la méthode utilisée pour  réaliser l’extrapolation de la consommation foncière estimée entre 2014 et 2018 sur le territoire, alors même que des données plus récentes et contradictoires étaient disponibles (considérant no 16 du jugement du 30 mars 2021) ;
  • compatibilité avec le SCoT : si le tribunal relève en première analyse que la consommation foncière retenue dans le PLUi-H apparaît compatible avec le SCOT, il considère en définitive que tel n’est pas le cas dès lors que les méthodes de calcul pour chacun des deux documents n’étaient pas les mêmes ;
  • comptabilisation des zones U : le PLU aurait dû comptabiliser les espaces libres en zone U dans les projections de consommation en sus des zones UA, ce qui n’a pas été fait.


A noter sur ce dernier point que le tribunal administratif de Toulouse indique que, sous réserve d’une cohérence avec les principes du code, « les auteurs des PLU disposent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer eux-mêmes les modalités de calcul de la consommation des espaces (…)


II. LE JUGE REFUSE UNE MODULATION DANS LE TEMPS DES EFFETS DE L’ANNULATION


Le refus d’une modulation dans le temps 


Après avoir jugé que ces vices n’étaient pas régularisable au sens de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l’annulation totale du PLUi-H et décidé, dans un premier temps, de sursoir à statuer afin de permettre aux parties de débattre sur la question d’une éventuelle modulation des effets de l’annulation dans le temps2.

A la suite de ce sursis à statuer, dans un jugement du 20 mai 2021, le tribunal a refusé d’accorder cette modulation des effets de l’annulation dans le temps au motif que :

  • les territoires repassant sous POS et, à terme, sous RNU ne représentent que 10 % du territoire et 5 % de sa population ;
  • il n’est pas établi qu’un nombre excessif d’autorisations accordées et non encore devenues définitives seraient remises en cause par cette annulation, ni que la rétroactivité de l’annulation compromettrait ou retarderait un nombre important de projets en cours d’instruction ;
  • le maintien en vigueur du PLUi-H n’est pas de nature à garantir une consommation d’espaces moindre que le retour aux précédents documents d’urbanisme (la consommation projetée étant de 50 % supérieure à celle constatée sur les années 2013/2016).

Annulation rétroactive du PLUi-H et autorisations d’urbanisme


Dans l’attente de l’élaboration d’un nouveau document d’urbanisme, les documents d’urbanisme immédiatement antérieurs redeviennent applicables aux communes de la métropole conformément à l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme.  

En ce qui concerne les autorisations délivrées sous l’empire du document annulé dans son ensemble, et dans l’hypothèse ou elles auraient été attaquées dans les délais en vigueur, leur légalité sera ainsi appréciée par le juge administratif au regard de l’ancien document d’urbanisme remis en vigueur (pour une analyse complète et détaillée de cette question, se reporter à l’avis du Conseil d’Etat du 2 octobre 2020 n° 436934 sur l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme).

Aussi, dès lors qu’un nouveau débat aura lieu sur les orientations du PADD, les autorités compétentes pourront surseoir à statuer sur les demandes d’autorisations susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. 


Etapes clés de la procédure d’élaboration du PLUIH de Toulouse Métropole : 

  • Délibération prescrivant l’élaboration du PLUI-H,  9 avril 2015
  • Délibération arrêtant le projet de PLUi-H, 3 octobre 2017
  • Déroulement de l’enquête publique du 30 mars 2018 au 17 mai 2018
  • Délibération approuvant le PLUi-H du 11 avril 2019

L’ultime étape du principe de la modération de la consommation des espaces : le ZAN


  • Loi n° 2000-1202 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain : consécration de la gestion économe des sols ;
  • Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : obligation d’analyser la consommation foncière sur les dix années précédant l’élaboration du PLU et outils de densification ;
  • Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : analyse des capacités de densification et de renouvellement urbain dans le rapport de présentation des PLU ;
  • Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : insertion de la notion de « lutte contre l’étalement urbain » dans l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ;
  • Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (travaux parlementaires en cours) : inscription dans la loi d’un objectif concret et contraignant d’absence de toute artificialisation nette des sols (ZAN) à l’horizon 2050.

1 Désormais, depuis la loi du 23 novembre 2018 (n° 2018-1021) entrée en vigueur le 25 novembre 2018, l’analyse de cette consommation doit se faire jusqu’à l’arrêt du document d’urbanisme et non plus jusqu’à son approbation.
 
2 Possibilité consacrée par la jurisprudence Association AC ! (CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886). En effet, l’annulation rétroactive d’un document d’urbanisme peut emporter des « conséquences manifestement excessives »,  tant en raison des effets produits par l’acte que de l’intérêt général s’attachant à un maintien temporaire de ses effets.

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Olivier Bonneau

Associé-gérant, en charge de la pratique Droit public immobilier & énergie au cabinet

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