BulletinsDroit de l'urbanisme

Précisions quant à la portée de l’article L. 151-36-1 du code de l’urbanisme issu de l’article 158 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 (n° 2018-102)

Les sénateurs ont souhaité dispenser les opérations de transformation ou d’amélioration de logements sans création de surface de plancher de toute obligation de réaliser des aires de stationnement. Accueillie comme une aubaine par les professionnels du secteur, la portée de cette disposition apparaît pourtant limitée eu égard, d’une part, à ses restrictions d’application qui excluent de facto les villes moyennes – qui étaient pourtant au centre de la motivation initiale de cette mesure – (I.), d’autre part, à ses conditions d’application sibyllines qui semblent à la fois exclure les opérations de changement de destination tout en ne précisant pas suffisamment le cadre juridique relatif aux « travaux de transformation » qu’elle vise (II.).


I. DES RESTRICTIONS D’APPLICATION TERRITORIALES NOTABLES

Limitation du champ d’application territorial à certaines communes

Le champ d’application territorial de la disposition est limité à certaines communes :

  • les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants listées dans l’annexe à l’article 232 du CGI ;
  • les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant dans la liste prévue à l’article L. 302-5 du CCH.

Or, si le décret n° 2013-392 « logements vacants » relatif à l’article 232 du CGI liste exhaustivement les communes concernées, le décret n° 2017-840 « villes moyennes » relatif à l’article L. 302-5 du CCH ne répertorie quant à lui aucune commune, en l’absence d’annexe II pourtant annoncée dans son article 3. 

Par suite, les « villes moyennes » concernées sont exclues du champ d’application territorial de la dérogation, les privant par là-même de cet outil pourtant adopté dans leur intérêt. 

Application restreinte aux seuls plans locaux d’urbanisme ?

L’article écarte, lorsque les conditions qu’il pose sont remplies, les seules dispositions du plan local d’urbanisme

En retenant cette formulation, sans viser « tout document d’urbanisme en tenant lieu » (v. en ce sens article L. 111-1-2 du CU), les auteurs de l’article L. 151-36-1 du CU semblent avoir exclu de son champ les dispositions des plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV)

A contrario, les projets inclus dans les Aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) ou dans les Plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) issus de la Loi LCAP n° 2016-925 du 7 juillet 2016 constituent des servitudes d’urbanisme – et non des documents d’urbanisme – de sorte qu’ils n’écartent pas l’application du PLU et pourraient ainsi faire l’objet de la dérogation instituée par l’article L. 151-36-1 du CU.

Toutefois, une incertitude demeure quant à l’interprétation qui doit être retenue sur ces points.

II. DES CONDITIONS D’APPLICATION AUX CONTOURS IMPRÉCIS

Trois conditions d’application cumulatives plus restrictives que la jurisprudence établie

L’article pose trois conditions :

  1. le projet doit consister en des travaux d’amélioration ou de transformation ;
  2. ces travaux doivent être réalisés sur des logements existants ;
  3. les travaux ne doivent pas entraîner de création de surface de plancher

En premier lieu, les travaux accompagnés d’un changement de destination ne bénéficient pas des dispositions ; aussi, la création de logements par un tel changement de destination reste soumise à l’obligation de créer des aires de stationnement dès lors que le PLU l’impose.

En second lieu, la jurisprudence constante précise que les travaux portant sur des logements existants exigent la création d’aires de stationnement uniquement en cas de création de logements supplémentaires et ce, même lorsque la surface de plancher est augmentée (v. en ce sens CE, 6 décembre 1996, req. n° 14631, Tab. Lebon ; CE, 22 septembre 2014, req. n° 366854 , Inédit Lebon ; CE, 4 avril 2018, req. n° 407445).  

Que sont les « travaux de transformation » visés par le code de l’urbanisme ?

La notion de « travaux de transformation » telle qu’elle ressort de l’article L. 151-36 du CU – et telle qu’elle est issue, à l’origine, de l’article L. 151-35 du CU – n’est pas expressément définie. 

Le Conseil d’Etat a pu juger que constituaient une opération de transformation des locaux des travaux qui « ne se bornaient pas à une simple réhabilitation de bâtiments, mais tendaient à remanier de façon importante l’immeuble existant, après notamment démolition de tous les cloisonnements, et à modifier profondé-ment sa distribution intérieure » (v. en ce sens CE, 1/4 SSR, 13 mars 1992, req. n° 105248, inédit au recueil Lebon). 

Toutefois, il n’est pas précisé si la réalisation de travaux accompagnés d’une division, et donc d’une augmentation du nombre final de logements, constitue des travaux de transformation au sens de cet article.

Dans l’attente de précisions, l’enthousiasme qui a suivi l’adoption de ces dispositions laisse place à des réserves quant à son intérêt opérationnel.

Article L. 151-36-1 du code de l’urbanisme

« Nonobstant toute disposition du plan local d’urbanisme, l’obligation de réaliser des aires de stationnement n’est pas applicable aux travaux de transformation ou d’amélioration effectués sur des logements existants qui n’entraînent pas de création de surface de plancher supplémentaire, lorsque ces logements sont situés dans une commune appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue à l’article 232 du code général des impôts ou dans une commune de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue au dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation. »

Abréviations

CU :  code de l’urbanisme
CGI : code général des impôts
CCH : code de la construction et de l’habitation
PLU : plan local d’urbanisme

Réseaux sociaux

Simon Guirriec

Avocat, intervient en droit de l'urbanisme commercial et dues diligences

5 réflexions sur “Précisions quant à la portée de l’article L. 151-36-1 du code de l’urbanisme issu de l’article 158 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 (n° 2018-102)

  • Boursomaster

    Bonjour,
    Des précisions vis à vis de la portée de l’article L. 151-36-1 du code de l’urbanisme ont elles eu lieu depuis ?

    Répondre
  • DORIAN COULON

    Bonjour,
    Des précisions ont elles été rapportées depuis ?

    Répondre
    • Emilie Fabre

      Bonjour Monsieur,

      Merci pour vos commentaires.

      Malheureusement, toujours pas. Aucune décision récente ne nous permet d’élucider ce point.

      Répondre
  • Thomas

    Bonjour,
    Des précisions ont-elles été apportées concernant la division d’un logement en deux sans création de surface plancher?
    Merci de votre retour.
    Cordialement,

    Répondre
    • Emilie Fabre

      Bonjour,
      Aucune décision récente nous permettrait de vous répondre avec certitude. Cependant, l’examen des travaux parlementaires tend à considérer que ces dispositions s’appliquent uniquement aux logements existants et non à l’hypothèse d’une division.

      Séance publique, 24 juillet 2018, 1re lecture, Sénat, Séance publique, Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique :
      ” Articles additionnels après l’article 54
      Mme la présidente. L’amendement n° 1148, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
      Après l’article 54
      Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
      Après l’article L. 151-36 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 151-36-1 ainsi rédigé :
      « Art. L. 151-36-1. – Nonobstant toute disposition du plan local d’urbanisme, l’obligation de réaliser des aires de stationnement n’est pas applicable aux travaux de transformation ou d’amélioration effectués sur des logements existants qui n’emportent pas de création de surface de plancher supplémentaire et qui sont situés dans une zone mentionnée à l’article 232 du code général des impôts commune appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants figurant sur la liste prévue au même article 232 ou dans une commune de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique figurant sur la liste prévue au dernier alinéa du II de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation. »
      La parole est à Mme le rapporteur.
      Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement prévoit d’interdire, dans les secteurs urbanisés des zones tendues, toute obligation en vue de créer de nouvelles aires de stationnement pour des travaux effectués sur des logements existants qui n’emportent pas de création de surface de plancher supplémentaire.
      Il s’agit ainsi de répondre à la préoccupation très largement exprimée au travers d’un amendement de plusieurs de nos collègues, présenté en commission, et ainsi de favoriser la rénovation de l’habitat existant en zone tendue, notamment dans les centres-villes de villes moyennes, y compris dans ceux qui ne sont pas inclus dans le périmètre d’une ORT.
      Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
      M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui va dans le bon sens par rapport aux difficultés rencontrées dans les centres-villes anciens.
      Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1148.
      (L’amendement est adopté.) “

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