Droit de la construction et de l'habitationExpropriationopération de restauration immobilièreORI

Opération de restauration immobilière – Déclaration d’utilité publique – Procédure – Expropriation

Les opérations de restauration immobilière (ORI), définies aux articles L. 313-4 et suivants du code de l’urbanisme, consistent en la réalisation de travaux, y compris par démolition, visant, notamment, à l’amélioration de l’habitat. Lorsqu’elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, elles doivent être déclarées d’utilité publique.

La décision rendue par la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 3 avril 2025, apporte des précisions relatives à la procédure d’expropriation pouvant découler de la mise en place d’une ORI.

En l’espèce, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique les travaux de restauration immobilière d’un ensemble de 10 immeubles situés à Bordeaux, puis cessible l’un de ces immeubles comprenant plusieurs lots de copropriété, dont un lot est composé d’un studio récemment rénové appartenant au requérant. Le programme de travaux prévoyait de fusionner ledit lot avec le lot voisin, situé en fond de cour, pour créer un logement d’une surface plus importante, bénéficiant d’un espace extérieur privatif et d’une meilleure habitabilité.

Le requérant attaque l’arrêté de cessibilité en invoquant plusieurs fondements. La décision de la cour apporte des clarifications sur la procédure d’expropriation dans le cadre d’une ORI.

En premier lieu, en principe, une ORI a pour objet de mettre à la charge du propriétaire la réalisation des travaux et l’expropriation reste l’exception. Or, la cour administrative d’appel de Bordeaux affirme implicitement que l’autorité bénéficiaire de la DUP peut prescrire des travaux irréalisables pour le propriétaire (dans notre cas, la réunion de deux lots de copropriété ayant des propriétaires différents).

Dans ces conditions très particulières où le propriétaire n’est pas en mesure de réaliser les travaux prévus, la circonstance que le propriétaire n’ait pas été expressément invité à les réaliser ni qu’aucun délai ne lui a été personnellement imparti, ne peut être regardée comme l’ayant effectivement privé d’une garantie.

En deuxième lieu, la cour administrative d’appel écarte le moyen tiré de l’absence de concertation préalable au sens de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme et considère que, dans la mesure où les travaux en cause ne modifieraient pas de façon substantielle le cadre de vie des habitants, l’ORI n’entre pas dans le champ des projets de renouvellement urbain.

En troisième lieu, s’agissant de l‘appréciation de l’utilité publique de l’opération, le juge vérifie que celle-ci répond à la finalité d’intérêt général, et notamment, à la préservation des bâtis traditionnels et l’amélioration des conditions de l’habitabilité de l’immeuble, mais vérifie aussi que les atteintes à la propriété privée ne sont pas excessives. Pour apprécier la nécessité des travaux à réaliser, la cour relève que :

 Il ressort de la fiche immeuble élaborée […] que les alimentations électriques aériennes sont en mauvais état, que les réseaux mélangent parfois les eaux usées et pluviales, qu’il n’existe ni locaux communs ni coupe-feux entre les différents locaux, que l’état général des extérieurs et des communs est dégradé, et que beaucoup de très petits logements ne correspondent pas à la typologie sous laquelle ils sont désignés. Le projet prévoit une « dédensification  » associée à une réorganisation globale des réseaux, un retraitement paysager de la cour et un traitement des enveloppes.

Et elle en déduit, que :

dans ce cadre, aucun lot ne peut être dissocié et la circonstance que l’intérieur du studio de M. B… a fait l’objet d’une rénovation, ce qui n’a pu remédier à son exiguïté, n’enlève rien à l’intérêt général qui s’attache à améliorer la qualité d’habitabilité de l’ensemble.

Par ce raisonnement, la cour administrative d’appel valide que l’état de l’immeuble soit pris en compte dans sa globalité pour justifier de l’utilité publique pouvant conduire à l’expropriation de certains lots.

En quatrième lieu, le requérant soutenait que son expropriation pour démolition partielle aurait dû relever d’une procédure distincte de l’expropriation « de droit commun ». Or, le juge affirme explicitement que:

si les ORI comportent des préalables spécifiques, l’article L313-4-1 [précité] du code de l’urbanisme renvoie ensuite à la procédure du code de l’expropriation, qui est unique.

CAA Bordeaux, 3 avril 2025, Saint Michel, n °23BX01037

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