Le rejet du recours en annulation rétroactive contre un acte réglementaire ne s’oppose pas à ce que son abrogation soit demandée
Par une importante décision, publiée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient apporter des précisions quant à l’articulation d’un recours pour excès de pouvoir contre un acte réglementaire avec un recours pour excès de pouvoir contre le refus d’abrogation de ce même acte.
En effet, un acte administratif réglementaire peut être attaqué :
- D’une part, par le biais d’un recours pour excès de pouvoir directement contre l’acte dans les deux mois suivants son édiction ;
- D’autre part, par le biais d’un recours en annulation contre une décision refusant d’abroger l’acte litigieux dans les deux mois suivants la naissance de la décision de refus.
La question posée au Conseil d’Etat était la suivante : L’exercice d’un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif réglementaire fait-il obstacle à ce que soit déposé un recours en annulation contre le refus d’abroger ce même acte ?
Le Conseil d’Etat considère que:
L’objet du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger un acte réglementaire au motif de son illégalité, dont l’effet utile réside dans l’obligation pour l’autorité compétente de procéder à l’abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l’ordre juridique, est différent de l’objet du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même, qui vise à obtenir son annulation rétroactive.
Il en résulte que les conclusions du présent recours de M. A…, qui tendent à l’annulation du refus d’abroger les dispositions réglementaires mentionnées au point 2, n’ont pas le même objet que celles du recours pour excès de pouvoir qu’il avait formé contre ces mêmes dispositions et qui a été rejeté par une décision du 4 avril 2018 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux. Par suite, le ministre des solidarités et de la santé n’est pas fondé à soutenir que l’autorité de la chose jugée s’attachant à cette décision du 4 avril 2018 ferait obstacle à ce qu’il soit statué sur le présent litige.
Ainsi, les conclusions d’un recours pour excès de pouvoir, qui visent à obtenir l’annulation rétroactive d’un acte, n’ont pas le même objet que les conclusions d’un recours en annulation dirigé contre une décision de refus d’abrogation d’un acte réglementaire qui visent, quant à elles, à obliger l’autorité compétente à faire cesser les effets d’un acte pour l’avenir.
Par conséquent, l’autorité de la chose jugée s’attachant à la décision de rejet du recours pour excès de pouvoir contre un acte réglementaire ne fait pas obstacle à ce qu’il soit statué sur le recours tendant à l’annulation du refus d’abroger cet acte.
CE, 17 mars 2021, n° 440208, publié au recueil Lebon