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Intérêt pour agir contre une autorisation d’urbanisme – Appréciation de l’incidence du projet sur les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance d’un bien – Date d’affichage en mairie de la demande de permis de construire

Par un arrêt du 21 septembre 2022, le Conseil d’État a retenu que l’intérêt à agir d’un requérant à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande de permis de construire, et ce sans tenir de compte pour apprécier l’impact de la construction sur les intérêts du requérant, de l’évolution des circonstances tels qu’un changement de l’environnement.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État affirme qu’il résulte des termes des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme que :

« Sauf circonstances particulières, l’intérêt pour agir d’un requérant contre un permis de construire s’apprécie au vu des circonstances de droit et de fait à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures, qu’elles aient pour effet de créer, d’augmenter, de réduire ou de supprimer les incidences de la construction, de l’aménagement ou du projet autorisé sur les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance mentionnées à l’article L. 600-1-2. A ce titre, il y a lieu de procéder à cette appréciation au vu des constructions environnantes dans leur état à cette date. »

Au cas d’espèce, la société Maison Camp David, qui exploite un ensemble de résidences locatives, a demandé au juge des référés du Tribunal Administratif de Saint-Barthélemy d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L.521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la délibération du 29 juin 2021 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un permis de démolition/construction d’un restaurant de plage comprenant une boutique, une cave à vin et un bar, ainsi qu’un parc de stationnement semi-enterré à la société Ocap Saint-Jean.

Par une ordonnance n° 2100025 du 20 janvier 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande de suspension, en faisant droit à la fin de non-recevoir opposée en défense par la collectivité à savoir le défaut d’intérêt à agir.

Les conclusions du Rapporteur public, Monsieur Laurent Dominigo, précisent que le juge des référés du Tribunal administratif a estimé que :

« d’une part, que la société requérante n’était pas voisine immédiate du projet et, d’autre part, que compte tenu de la distance entre la propriété de la société requérante et le projet en litige, de la densification du bâti, de la configuration et de la nature du projet, de sa desserte et du caractère particulièrement animé de cette partie de l’île, les travaux prévus ne sont pas de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien que la société requérante détient. Celle-ci se pourvoit en cassation. »

Pour caractériser un défaut d’intérêt à agir, le tribunal administratif s’est fondé :

« sur la densification du bâti dans le secteur d’implantation du projet en raison de la construction, en cours à la date de son ordonnance, d’une résidence de tourisme de cinq logements sur un terrain adjacent à la parcelle d’assiette du projet et situé à deux parcelles du terrain de la société requérante. »

Or, le Conseil d’État a annulé l’ordonnance de référé et retenu que :

« En statuant par ces motifs, qui ne présentent pas, contrairement à ce qui est soutenu, un caractère surabondant, alors qu’il est constant qu’à la date d’affichage de la demande de permis de construire de la société bénéficiaire, cette résidence de tourisme n’avait pas été construite, l’instruction de la demande de permis de construire correspondante étant alors en cours, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit. »

CE, 10ème – 9ème chambres réunies, 21 septembre 2022, n°461113, Tab. Leb.

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