Dérogation « espèces protégées » – Risque suffisamment caractérisé – Appréciation « à tout moment » – Prise en compte d’un droit acquis de construire et d’exploiter (non)
Dans une décision du 8 juillet 2024, le Conseil d’Etat juge que les articles L. 181-2, L. 181-3, L. 181-22, L. 411-2 et R. 411-6 du code de l’environnement imposent, à tout moment, la délivrance d’une dérogation « espèces protégées » dès lors que l’activité, l’installation, l’ouvrage ou les travaux faisant l’objet d’une autorisation environnementale ou d’une autorisation en tenant lieu comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, peu important la circonstance que l’autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d’une modification de cette autorisation.
Il juge en outre que, lorsque la modification de l’autorisation conduit l’autorité administrative à imposer des prescriptions complémentaires dont l’objet est d’assurer ou de renforcer la conservation d’espèces protégées, les articles L. 181-14, R. 181-45, R. 411-10-1 et R. 411-10-2 n’ont ni pour objet ni pour effet de faire dépendre la nécessité de l’obtention d’une dérogation « espèces protégées » de la circonstance que cette modification présenterait un caractère substantiel. Il appartient à l’autorité administrative de s’assurer que les prescriptions complémentaires qu’elle impose présentent un caractère suffisant et, dans ce cadre, de rechercher si elles justifient, lorsqu’il demeure un risque caractérisé pour les espèces, d’imposer au bénéficiaire de solliciter une telle dérogation sur le fondement de l’article L. 171-1 du code de l’environnement.
En conséquence, le Conseil d’Etat annule pour erreur de droit l’arrêt de la cour administrative d’appel de Toulouse qui, pour juger inopérant le moyen tiré de ce qu’un arrêté de prescriptions complémentaires ne pouvait intervenir sans la délivrance d’une dérogation » espèces protégées « , avait relevé que cet arrêté fixait des prescriptions complémentaires sans apporter de modification substantielle aux caractéristiques du parc éolien et que la société pétitionnaire bénéficiait du droit, résultant du permis de construire, d’exploiter l’installation en étant dispensée de solliciter une telle dérogation, alors que ces prescriptions complémentaires avaient pour objet d’assurer la conservation d’espèces protégées.
Il renvoie l’affaire devant la même cour.
CE, 8 juillet 2024, LPO, n° 471174, Tab. Leb.