BulletinsDroit de l'urbanisme

De l’utilité de multiplier les dérogations aux règles du PLU

La loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » crée de nouvelles possibilités de déroger aux règles du PLU dans le cadre de la délivrance d’autorisations d’urbanisme et donne ainsi l’occasion de revenir sur cette procédure et les difficultés pratiques de sa mise en œuvre. En effet, les porteurs de projets ont parfois le sentiment que l’encouragement législatif à déroger aux règles du PLU pour poursuivre des objectifs de mixité sociale, de construction de logements en zones tendues, et désormais de réalisation de constructions réputées vertueuses, dépend uniquement de la volonté politique locale. S’il est vrai que le maire est libre d’accorder les dérogations, il ne peut qu’être conseillé aux porteurs de projets d’apporter un soin particulier à la demande.

Des possibilités élargies de recourir aux dérogations

Extension des dérogations dans certaines zones

Comme précédemment indiqué, l’objectif des dérogations issues de l’ordonnance de 2013 consistait à inciter à la construction dans certaines zones (zones tendues et communes ne respectant pas leurs obligations en matière de logements sociaux)1.

Le législateur avait ainsi prévu des systèmes de dérogation aux règles relatives au gabarit, à la densité ou aux obligations en matière de création d’aires de stationnement pour autoriser la réalisation de constructions destinées à l’habitation, de surélévations, de reconstructions, rénovations ou réhabilitations.

La loi Climat et Résilience va plus loin : elle étend les zones concernées et les possibilités de dérogation au sein de celles-ci.

Sont désormais concernées les opérations situées au sein du périmètre d’une GOU, ou d’un secteur d’intervention comprenant un centre-ville d’une ORT. Dans ces nouveaux secteurs, le maire peut en outre accorder une dérogation supplémentaire de 15% (dans la limite de 50% de dépassement) aux règles de gabarit pour les constructions « contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres ».

Extension des dérogations possibles sur tout le territoire

La loi Climat et Résilience prévoit en outre divers mécanismes de dérogations applicables en tous lieux :

  • dérogation en matière de hauteur et aspect extérieur pour autoriser l’installation de dispositifs de végétalisation des façades et des toitures en zones U et AU;
  • dérogation en matière de hauteur pour autoriser les constructions faisant preuve « d’exemplarité environnementale »3. Il est précisé qu’un décret en Conseil d’État devra définir les exigences auxquelles doit satisfaire une telle construction ;
  • dérogation en matière de stationnement : réduction des obligations à raison d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d’infrastructures ou de l’aménagement d’espaces permettant le stationnement sécurisé d’au moins six vélos par aire4 ;
  • dérogation aux règles de gabarit (dans la limite de 30%) et aux obligations en matière de stationnement lorsque les travaux portent sur une friche5.

Des décrets devraient pouvoir préciser certaines notions pour l’heure encore un peu incertaines.

Une procédure toujours imparfaite ne facilitant pas l’octroi des dérogations 

Forme de la demande

Comme le rappelle le Conseil d’État dans sa décision du 17 décembre 2020 (n° 432561), l’article R. 431-31-2 du code de l’urbanisme impose au pétitionnaire de former une demande de dérogation. La démarche est donc à l’initiative du pétitionnaire.

Cette demande est accompagnée d’une note précisant la nature de la ou des dérogations sollicitées et justifiant pour chacune d’entre elles du respect des objectifs et des conditions fixés.

Compte tenu du caractère apparemment discrétionnaire des dérogations, un grand soin doit être apporté à la rédaction de ces notes et demandes de dérogation.

Il nous semble à cet égard qu’une standardisation de ces notes – le cas échéant à travers un formulaire dédié – serait de nature à permettre au pétitionnaire de mieux connaître les critères posés, à encourager la délivrance de dérogations ou justifier leur refus. 

Majoration délai d‘instruction et délivrance

L’article R. 423-24 du code de l‘urbanisme prévoit que le délai d’instruction est majoré d’un mois lorsque le projet nécessite une dérogation en application de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme (cf. supra sur les dérogations possibles dans des zones particulières). Cette disposition ne semble pas devoir s’appliquer s’agissant des autres demandes de dérogation. 

Le code de l’urbanisme indique en outre que la décision de permis de construire accordant une dérogation doit être motivée (art. L. 424-3 C. urb.). On constate qu’en pratique, les dérogations sont peu nombreuses et accordées de façon plutôt aléatoire.

En revanche, on peut déplorer qu’un refus à une demande de dérogation ne soit soumis à aucune obligation de motivation. 

Aussi, il nous semble qu’une obligation législative d’accorder les dérogations dès lors que les conditions sont remplies serait plus à même de permettre d’atteindre les objectifs fixés par le législateur.

Quelques précisions

1 Art. L. 152-6 du code de l’urbanisme 

2 Art. L. 152-5-1 du code de l’urbanisme 

3 Art. L. 152-5-2 du code de l’urbanisme 

4 Art. L. 152-6-1 du code de l’urbanisme 

5 Art. L. 152-6-2 du code de l’urbanisme. Une définition de la friche a en outre été introduite au sein du code de l’urbanisme, à l’article L. 111-26 : « au sens du présent code, on entend par “ friche ” tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».

Dans un souci d’exhaustivité, il pourra être indiqué que le Conseil d’État considère qu’une demande sollicitant une dérogation au règlement du PLU permet de régulariser un permis de construire sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme (sursis à statuer impartissant au pétitionnaire un délai pour obtenir une mesure de régularisation) (CE, 17 décembre 2020, n° 432561).

Distinction entre dérogation et adaptation mineure : il ressort de l’article L. 152-3 du code de l’urbanisme que les règles et servitudes définies par un PLU peuvent faire l’objet d’adaptations mineures uniquement si celles-ci sont « rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ». Ces adaptations doivent être limitées mais sont observées d’office par les services instructeurs (CE, 11 février 2015, n° 367414).

Abréviations

C. urb. : code de l’urbanisme

GOU : grande opération d’urbanisme

ORT : opération de revitalisation de territoire 

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Camille Morot

Avocat, intervient en droit de l'urbanisme

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