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Bail emphytéotique sur le domaine privé – Cession avant terme – Renonciation au droit de reprise par la collectivité – Information des membres de l’organe délibérant

Par une décision rendue le 13 septembre 2021, le Conseil d’État s’est prononcé sur la régularité d’une renonciation, par une commune, au cours de la cession d’un de ses biens immobiliers, à son droit de reprise des constructions édifiées par son cocontractant.

En l’espèce, une commune avait conclu en 1966 un bail emphytéotique d’une durée de 60 ans prévoyant la mise à disposition à une société privée d’un ensemble de terrains en vue de la construction et l’exploitation d’un village vacances. Toutefois, avant l’expiration du bail, le conseil municipal a approuvé la cession de ces parcelles communales pour un prix de 1 000 000€. Ces mêmes parcelles avaient été estimées par le service des domaines à 994 000€.

Le bail emphytéotique comportait une clause qui indiquait que la commune deviendrait propriétaire des constructions édifiées par l’emphytéote à l’issue du bail sans avoir à lui verser d’indemnité. En cédant son bien, la collectivité a donc renoncé de facto à son droit d’accession auxdites constructions. 

Le juge d’appel, pour sa part, avait considéré que la délibération attaquée n’avait pas pris en compte la valeur des constructions ayant vocation à devenir la propriété de la commune à l’issue du bail puisque le prix de cession de 1 000 000€ était « sensiblement l’estimation retenue par le service des domaines pour les seuls terrains sans les constructions existantes ». Dès lors, selon la cour, la commune a entendu céder à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur, sans que cet écart de prix ne soit justifié par un motif d’intérêt général. 

Le Conseil d’État annule cette décision faute pour la cour d’avoir « rechercher si {le conseil municipal} pouvait être regardé, eu égard aux termes de la délibération attaquée et aux coûts de rénovation et de remise aux normes des constructions inhérents à la poursuite de leur exploitation, comme ayant implicitement entendu valoriser à hauteur de 6 000 euros la renonciation de la commune à en devenir propriétaire ». 

Dans un second temps, le Conseil d’État jugeant l’affaire au fond, confirme l’annulation de la délibération attaquée au motif d’un défaut d’information adéquate des membres de l’assemblée délibérante. Selon le juge administratif, le conseil municipal doit disposer des éléments lui permettant d’apprécier la valeur de la renonciation à son droit d’accession. Il estime à ce titre que : 

 Les membres du conseil municipal n’ont pas été mis à même d’apprécier si la différence entre le prix envisagé et l’évaluation fournie par le service des domaines pouvait être regardée comme représentative de l’indemnité due à la commune pour sa renonciation au droit d’accession et, par suite, si la commune pouvait être regardée comme n’ayant pas cédé un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur  

Point n° 10

Conseil d’État, 13 septembre 2021, n° 439653, Tab. Leb.

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