Candidat irrégulièrement évincé – Indemnisation du préjudice – Chances sérieuses d’emporter le contrat
Afin de prétendre à être indemnisé de son manque à gagner, le candidat irrégulièrement évincé doit-il démontrer qu’il était le seul à disposer de chances sérieuses de remporter le contrat parmi les autres concurrents ?
Oui selon un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 28 novembre 2023, dans une affaire relative à l’indemnisation d’un concurrent irrégulièrement évincé – la société La Royale Plage – de l’attribution d’une délégation de service public pour la plage des Lecques conclu entre la commune de Saint-Cyr-sur-Mer et la société MGPL. Alors que la cour administrative d’appel de Marseille avait condamné la commune à verser la somme de 80 039 euros à la société La Royale Plage, le Conseil d’Etat censure l’appréciation portée par ladite cour et apporte d’utiles précisions quant aux modalités d’indemnisation du concurrent évincé.
Le Conseil d’Etat rappelle d’abord qu’un candidat à l’attribution d’un contrat public peut demander la réparation du préjudice dès lors que (i) son éviction de ce contrat est irrégulière, (ii) qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et (iii) que le candidat n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le contrat.
S’agissant de cette troisième condition, si le candidat était dépourvu de toute chance de remporter le contrat, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre.
Par ailleurs, il appartient au juge de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat affirme que pour apprécier l’existence de chances sérieuses d’emporter le contrat, il appartenait à la cour administrative de Marseille de déterminer si, en l’absence de faute de l’autorité délégante, le candidat évincé était le seul parmi les autres concurrents à pouvoir remporter le contrat :
3. Pour juger que la société La Royale Plage avait droit à être indemnisée de son manque à gagner causé par son éviction irrégulière du contrat, la cour administrative d’appel de Marseille s’est fondée sur la seule circonstance qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’offre finale de cette société aurait eu une valeur inférieure à celles des trois autres candidats admis à négocier. En statuant ainsi, alors qu’il lui revenait d’apprécier si, en l’absence de faute de la commune, la société La Royale Plage aurait eu des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats, la cour a commis une erreur de droit.
CE, 28 novembre 2023, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, req. n° 468867, Tab. Leb.