Dommage causé par un ouvrage public – Caractère accidentel – Absence de démonstration du caractère grave et spécial du préjudice (oui)
Dans sa décision du 8 février 2022, le Conseil d’État a jugé que lorsqu’un dommage causé à un tiers par un ouvrage public n’est pas inhérent à l’existence même de l’ouvrage ou à son fonctionnement, ce tiers n’est pas tenu de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’il subit.
En l’espèce, le propriétaire d’un immeuble a demandé au maire de la commune de prendre toutes dispositions nécessaires pour que le muret de sa propriété n’ait plus à supporter la charge de remblai que les travaux effectués par la commune sur la parcelle jouxtant sa propriété avaient créée. La cour administrative d’appel de Lyon, confirmant le jugement du tribunal administratif, a rejeté la demande du propriétaire tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet du maire et à ce qu’il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux de remise en état.
Dans sa décision, le Conseil d’État affirme que :
« Le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage n’est pas inhérent à l’existence même de l’ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel. »
Point n°2
Or, en l’espèce, la plus haute juridiction administrative considère que les dommages dont le propriétaire demande la réparation « trouvent leur cause dans la poussée qu’exercent sur le muret de clôture de sa propriété les terres remblayées » et qu’ils ne peuvent, par conséquent, être regardés comme étant inhérents à l’existence même de l’ouvrage public – la maison de santé – construit par la commune. Dès lors, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel selon lequel les dommages présentaient un caractère permanent et non accidentel.
La décision commentée vient préciser la fin du considérant de principe dégagé par le Conseil d’État le 10 avril 2019. En effet, la plus haute juridiction administrative se bornait, dans cette décision, à indiquer que les tiers « ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel » (CE, 10 avril 2019, n°411961, Tab. Leb.).
CE, 8 février 2022, n°453105, Tab. Leb.