Contrats et propriétés publics

Cour de justice de l’Union Européenne – Ensemble contractuel destiné à la réalisation d’un stade – Marché public de travaux (oui)

Par une décision du 17 octobre 2024, la CJUE a été saisie d’une question préjudicielle relative à la requalification en marché public de travaux d’un ensemble contractuel destiné à la réalisation d’un stade de football.

Plus précisément, cet ensemble contractuel conclu par l’Etat slovaque était composé comme suit :

  • en premier lieu, un contrat de subvention, en vertu duquel il s’engageait à verser à une société une subvention de 27 200 000 euros pour la construction de ce stade ;
  • en second lieu, une promesse d’achat précisant les conditions de la conclusion du contrat d’achat dudit stade et, dans ses annexes, certaines spécifications techniques détaillées.

La CJUE devait donc déterminer si cet ensemble contractuel pouvait s’analyser en un marché public de travaux au sens des directives.  

Pour ce faire, la Cour débute son analyse par la recherche de l’onérosité du contrat, qui peut être caractérisée par deux éléments.

D’une part, par le caractère synallagmatique du contrat, qui implique la création d’obligations juridiquement contraignantes pour chacune des parties.

La CJUE considère tel est bien le cas en l’espèce en relevant (i) que le caractère synallagmatique d’un contrat n’est pas exclu lorsque celui-ci comporte une obligation d’achat par un pouvoir adjudicateur sans qu’une obligation de vente ne pèse sur son cocontractant ; (ii) l’existence d’obligations réciproques entre l’Etat et la société (octroi de ladite subvention, obligation de construire le stade et de le financer à hauteur de 60%).

D’autre part, par l’intérêt économique direct qui bénéficie au pouvoir adjudicateur grâce à la réalisation de la prestation. Cet intérêt pouvant être caractérisé lorsque le pouvoir adjudicateur devient propriétaire des travaux ou de l’ouvrage faisant l’objet du marché, dispose d’un titre juridique qui lui assurera la disponibilité de ces ouvrages ou encore dans le fait qu’il assume des risques en cas d’échec économique de l’ouvrage (CJUE, 25 mars 2010, Helmut Müller, C-451/08, pt. 52).

En l’espèce, la Cour relève que l’intérêt économique direct de l’Etat slovaque est caractérisé dès lors que celui-ci a vocation (i) à détenir, en substance, un droit de préemption ayant une valeur économique intrinsèque ; (ii) à assumer l’intégralité des risques en cas d’échec économique de l’ouvrage.

En outre, la Cour a dû déterminer si une influence déterminante de l’Etat sur la conception de l’ouvrage envisagé pouvait être identifiée. A cette fin, la CJUE se place dans la ligne jurisprudentielle issue de sa décision Commission c. Autriche (voir notre veille ici) et estime qu’une telle influence est caractérisée lorsqu’elle s’exerce sur la structure architecturale de l’ouvrage telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs.

En l’occurrence, le stade national de football devait être construit conformément aux conditions spécifiées par l’Etat slovaque qui se référait, notamment, au règlement de l’UEFA. Or, l’obligation de respecter ces critères « pourrait permettre d’identifier une influence déterminante de l’État slovaque sur la structure architecturale, dans le cas où ce règlement comporterait des exigences relatives, par exemple, aux dimensions du terrain de jeu, à la capacité du stade en nombre de spectateurs ou au nombre de places de parking prévues ».

Au regard de l’intégralité de ces éléments, la CJUE estime que « l’ensemble contractuel présentant les caractéristiques de celui en cause au principal constitue un marché public de travaux ».

CJUE, 17 octobre 2024, n° C-28/23 

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