Interdiction de conclure un bail commercial sur le domaine public (oui) – Responsabilité de la collectivité en cas d’annulation d’une délibération de déclassement d’un immeuble ayant fait l’objet d’un bail commercial (oui)
Par un arrêt du 20 septembre 2024, la cour administrative d’appel de Marseille a statué sur les conséquences de l’annulation par le juge administratif d’une délibération de déclassement portant sur un immeuble sur lequel la commune a conclu un bail commercial avec des opérateurs privés.
En premier lieu, la cour administrative d’appel rappelle que les titres d’occupation du domaine public sont, par nature, précaires et révocables (article L. 2122-3 du CG3P). Cette circonstance est incompatible avec le droit au maintien dans les lieux dont dispose le titulaire d’un bail commercial (article L. 145-28 du Code de commerce).
Partant, une personne publique qui conclurait un bail commercial sur son domaine public commettrait une faute d’une particulière gravité de nature à engager sa responsabilité. Cette faute résulte du fait que le gestionnaire du domaine a induit – volontairement ou non – l’occupant en erreur en lui faisant croire qu’il disposait d’un bail commercial, avec les garanties associées.
C’est donc naturellement que la cour administrative d’appel de Marseille estime que la commune qui conclut un bail commercial sur un immeuble relevant de son domaine public (à la suite de l’annulation de la délibération de déclassement), commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité et ouvre ainsi droit à l’indemnisation pour le titulaire du bail :
- des préjudices commerciaux et financiers résultant directement de la faute de la collectivité ;
- de la perte des bénéfices qu’il aurait pu réaliser, dans les mêmes conditions qu’en cas de résiliation unilatérale d’une convention d’occupation du domaine public (lorsque l’immeuble est (ré)incorporé au domaine public le bail commercial se transforme en contrat administratif d’occupation et est expurgé de l’ensemble de ses clauses incompatibles avec la domanialité publique, cf. Conseil d’Etat, 21 décembre 2022, n°464505) ;
- des dépenses dont le titulaire justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial.
3. En raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public. Lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un « bail commercial » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité. Cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits. »
CAA Marseille, 20 septembre 2024, Saint-Jean-Cap-Ferrat, n° 23MA00888