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Remise en état des lieux sous astreinte – Mesure comminatoire – Absence de motivation au regard des ressources et des charges du prévenu (oui)

Dans un arrêt du 6 février 2024 (n°22-82.833), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que la remise en état des lieux sous astreinte, prise sur le fondement de l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme, constitue une mesure comminatoire, qui n’a pas à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu.

En l’espèce, une personne physique était poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs d’exécutions de travaux sans permis de construire et de poursuite de travaux malgré un arrêté ordonnant l’interruption de la construction d’une maison d’habitation en méconnaissance du plan local d’urbanisme, et du plan de prévention des risques inondation. Elle fut condamnée en première instance à 5000 euros d’amende dont 4000 euros avec sursis, et à remettre en état les lieux sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

La prévenue et le Ministère public ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Versailles.

En appel, la cour a relevé l’astreinte corrélative à la mise de mise en conformité à 100 euros par jour de retard, passé un délai de 6 mois. La prévenue a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt soutenant, d’une part, que le parquet n’ayant fait appel que du « dispositif pénal », la cour ne pouvait aggraver le montant de la mesure et, d’autre part, que le juge prononçant une mesure à caractère réel assortie d’une astreinte doit motiver sa décision, en tenant compte des ressources et des charges du prévenu.

La chambre criminelle de la Cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel en jugeant que la remise en état des lieux sous astreinte, prise sur le fondement de l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme, est une mesure comminatoire, et non une sanction à titre personnel, c’est-à-dire une mesure destinée à faire pression au débiteur d’une obligation de faire, dont l’obligation de remise en état des lieux. Par ce caractère, la remise en état des lieux sous astreinte n’a pas, en l’absence de tout texte le prévoyant, à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu :

9. En premier lieu, il ressort de l’acte d’appel, dont la Cour de cassation a le contrôle, que le ministère public, en cochant la mention pré-imprimée « précisant que son appel porte sur l’entier dispositif pénal », à défaut de toutes autres propositions visant explicitement à circonscrire la portée de cet appel, a exercé son droit d’appel général.

10. En second lieu, une astreinte, prononcée au titre de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, étant une mesure comminatoire, qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle et non de le sanctionner à titre personnel, n’a pas, en l’absence de tout texte le prévoyant, à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 février 2024, 22-82.833, Publié au bulletin

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