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Travaux de construction fractionnés dans le temps – Multiplicité de maîtres d’ouvrage – Examen au cas par cas dès la délivrance de la première autorisation (oui)

La cour administrative d’appel de Nantes a jugé que l’autorité environnementale doit être saisie d’une demande d’examen au cas par cas dès la délivrance de la première autorisation portant sur une opération de construction dont le projet global est connu dès l’origine et annule le jugement du tribunal administratif de Caen sur ce motif.

En l’espèce, la cour a eu à juger la légalité de l’opération dénommée “projet place de la République” à Caen, laquelle n’a pas été soumise à l’autorité environnementale aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement alors que l’ampleur du projet connue dès l’origine permet de considérer qu’il relève de deux rubriques de l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

En effet, il ressort de l’arrêt que le projet global – bien que fractionné et reposant sur plusieurs maîtres d’ouvrages – était “défini avec précision dans son principe comme dans ses modalités” dès la première demande d’autorisation :

  • en premier lieu, la cour relève que la demande d’autorisation préalable déposée au titre de l’article L. 621-32 du code du patrimoine (cf. notre autre article sur cet arrêt qui annule cette autorisation en ce que le projet requérait une déclaration préalable au titre de l’article R. 421-24 du code de l’urbanisme) pour l’abattage d’arbres et le “décapage exhaustif” du bitume d’un parc de stationnement sous la maîtrise d’ouvrage de la commune de Caen pour une superficie de 5 016 mètres carrés permettait la mise en oeuvre de l’opération de fouille d’archéologie préventive prescrite ;
  • en deuxième lieu, la cour constate que l’opération de fouille d’archéologie préventive a été prescrite par le préfet saisi du projet de “construction d’une halle commerçante et d’un parking souterrain” défini précisément dans “son principe comme dans ses modalités, bien que de façon non définitive” ;
  • en troisième lieu, la cour souligne que “dès les résultats de l’appel à projet annoncés en octobre 2016, {i.e. avant le dépôt de la demande d’autorisation préalable ci-dessus} il était connu que le projet retenu devait s’organiser en deux bâtiments, un bâtiment principal s’inscrivant dans l’axe de la place de la République, destiné à accueillir des commerces et services, ainsi qu’un second bâtiment en forme de triangle au sud du site, destiné à abriter une halle gourmande et des espaces de ” coworking ” en étage, et que, en tout état de cause, un parc de stationnement souterrain d’au moins 50 places serait créé sur la parcelle” ;
  • enfin, en dernier lieu, la cour parachève son raisonnement en précisant que “l’abattage des arbres autorisé par l’arrêté contesté, sous la maîtrise d’ouvrage de la commune de Caen, aurait en tout état de cause dû être réalisé préalablement à la réalisation du projet de construction, par le groupement d’entreprises privées sélectionné par la commune, d’une halle commerçante et d’un parking souterrain sur le terrain d’emprise du projet“. Ainsi, il est établi que les travaux d’aménagement préliminaires étaient rendus nécessaires par l’opération de construction.

De ce qui précède, la cour a jugé que :

Ainsi, ce projet de construction relevant de deux rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, constitué de plusieurs travaux fractionnés dans le temps avec une multiplicité de maîtres d’ouvrage, devait, en application du III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, être appréhendé dans son ensemble afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité. En outre, dès lors que la réalisation de ce projet était subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations, ses incidences sur l’environnement devaient, en application du III de l’article L. 122-1-1 du même code, être appréciées lors de la délivrance de la première autorisation, c’est-à-dire lors de l’autorisation de travaux d’abattage des arbres présents sur le terrain d’assiette du projet.
Or, il est constant que l’arrêté contesté n’a pas, en méconnaissance du IV de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, été précédé d’un examen au cas par cas de la part de l’autorité environnementale afin d’apprécier si une évaluation environnementale était requise préalablement à la réalisation de l’ensemble du projet.
Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté a été pris à la suite d’une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions du IV de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, doit également être accueilli.

Points n° 18 à 20 de l’arrêt

CAA de Nantes, 18 janvier 2022, n° 19NT04955

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Emilie Fabre

Juriste. Intervient en droit de l'urbanisme.

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