Régularisation d’un vice affectant le permis de construire initial par la délivrance d’un PC modificatif : consécration d’une nouvelle condition par le Conseil d’Etat
Par cette décision qui sera publiée au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat admet un nouveau type de régularisation d’un vice affectant un permis de construire initial par délivrance d’un permis de construire modificatif. Ainsi, lorsque la règle méconnue par le permis de construire est modifiée, la délivrance postérieure d’un permis modificatif permet de régulariser l’autorisation initiale, sans que le projet n’ait à être rectifié. La sécurité juridique des autorisations d’urbanisme ressort renforcée de cette décision, le PC modificatif de régularisation étant un outil majeur de défense des projets immobiliers attaqués au contentieux – CE, 7 mars 2018, req. n° 404079, Rec. Leb.
I. Les conditions dans lesquelles un PC modificatif peut régulariser le vice qui affecte l’autorisation initiale
A. Les conditions de la régularisation posées par l’arrêt Fontaine de Villiers
Lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance de règles de fond, de forme ou de procédure applicables, il peut être régularisé par la délivrance d’un PC modificatif « dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière » de la formalité initialement omise.
Dans l’arrêt de principe (CE, 2 février 2004, La Fontaine de Villiers, req. n° 238315, Tab. Leb.), le vice de procédure tenant à l’absence de consultation pour avis de l’ABF avait pu être régularisé par PC modificatif. Faisant application de cette jurisprudence, les juges du fond ont pu constater la régularisation par PCM d’un vice de forme (identité du signataire de l’acte[1]) ainsi que d’un vice de fond (complétude du dossier de demande[2]).
B. La modification de la règle méconnue : nouvelle condition de régularisation
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat avait à connaitre de la légalité d’un permis de construire initial délivré en méconnaissance d’un emplacement réservé.
Après avoir constaté que l’autorité compétente avait procédé à une révision simplifiée du document d’urbanisme applicable aux seules fins de supprimer ledit emplacement réservé, et que le pétitionnaire avait sollicité et obtenu une autorisation modificative postérieurement à ladite révision, le Conseil d’Etat a jugé que ce PC modificatif avait régularisé le vice de fond qui entachait l’autorisation initiale.
La Haute Juridiction n’exige nullement, à cet égard, que le PC modificatif emporte de réelles modifications du projet. En l’espèce, ce PCM avait comme unique objet « l’enregistrement » de la prise en compte, par le PCM, du PLU révisé.
II. Les conséquences de la régularisation d’un vice par la délivrance d’un PC modificatif
A. Les moyens tirés des irrégularités ainsi régularisées sont inopérants
Dans la décision Fontaines de Villiers, le Conseil d’Etat a jugé que « les irrégularités ainsi régularisées [par PC modificatif] ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial »[3].
L’inopérance des moyens dirigés contre des vices régularisés est opposable tant aux parties à l’instance, qu’aux éventuels autres requérants qui contesteraient la légalité du PC initial postérieurement.
En revanche, cette inopérance ne saurait faire obstacle à ce que le requérant conteste la légalité de la délibération approuvant l’évolution du PLU par la voie de l’exception d’illégalité.
B. La modification de la règle méconnue peut être contestée
On peut penser que, si le PC modificatif délivré à la suite de l’évolution de la règle initialement méconnue peut régulariser le vice qui entachait le PC initial, c’est à la condition que ladite évolution soit devenue définitive ou, à tout le moins, qu’elle ne soit pas utilement remise en cause dans le cadre du contentieux dirigé contre le PC initial modifié (par la voie de l’exception d’illégalité).
Rappelons toutefois qu’une évolution des règles d’urbanisme adoptée dans le but de rendre possible la délivrance d’autorisations d’urbanisme antérieurement annulées par le juge administratif n’est pas, en tant que telle, constitutive d’un détournement de pouvoir, dès lors qu’il n’est pas établi que l’autorité compétente ait poursuivi un « but étranger à l’intérêt général »[4].
À noter
Le juge de l’excès de pouvoir dispose du pouvoir de surseoir à statuer dans l’attente de la délivrance d’un PC modificatif de régularisation (L. 600-5-1 du code de l’urbanisme). Ainsi le PC initial frappé d’un vice de fond, de forme ou de procédure peut être régularisé par PC modificatif, soit à l’initiative de son bénéficiaire, soit à l’initiative du juge de l’excès de pouvoir.
En tout état de cause, le vice dont est entaché le PC initial ne peut être régularisé par PC modificatif que si la modification nécessaire à la régula-risation ne porte pas atteinte à l’économie générale du projet.
1. CAA Nantes, 27 mars 2007, req. n° 06NT01269
2. CAA Marseille, 17 juillet 2012, req. n° 10MA00566
3. Le Conseil d’Etat l’avait déjà jugé dans sa décision du 8 décembre 1995, association de défense des riverains de Central Park, req. n° 122319, Tab. Leb.
4. CE, 31 mars 1995, req. n° 160774, Rec. Leb.