Contentieux de l’urbanismeDroit de l'urbanisme

Recevabilité d’une action en tierce opposition – Notion de droit lésé – Certificat d’urbanisme – Constructibilité d’une parcelle affectée par l’annulation d’un PLU

Par un arrêt du 27 septembre 2022, le Conseil d’État a retenu que la détention d’un certificat d’urbanisme ne suffit pas à rendre recevable une action en tierce opposition contre l’annulation d’un PLU entrainant l’inconstructibilité d’une parcelle.

L’article R. 832-1 du code de justice administrative prévoit que :

« Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision. »

Au cas d’espèce, la requérante était propriétaire d’une parcelle qui était initialement et intégralement classée en zone inconstructible par le plan d’occupation des sols.  Par une délibération du 15 décembre 2016, le conseil municipal a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune (ci-après PLU) qui classe désormais, en partie, la parcelle cadastrée susvisée en zone constructible Uc.

La requérante a alors obtenu un certificat d’urbanisme dit « opérationnel », délivré le 17 février 2017 et aux termes duquel le terrain pouvait être utilisé pour la construction d’une maison d’habitation.

Toutefois, par un jugement du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Grenoble, la délibération approuvant le PLU a été annulée notamment en ce qu’il procédait à ce classement. La requérante a donc formé une action en tierce opposition à l’encontre de ce jugement dont elle n’était pas partie à l’instance. Cette action en tierce opposition a été rejetée car jugée irrecevable par un jugement du 11 juillet 2019 du même tribunal administratif, confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 26 janvier 2022.

Dans le présent arrêt, le Conseil d’État a retenu que :

« 4. Le propriétaire de parcelles que l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions d’un plan local de l’urbanisme aurait pour effet de rendre inconstructibles ne justifie pas, en cette seule qualité, d’un droit auquel cette décision juridictionnelle aurait préjudicié, le rendant recevable à former tierce opposition à cette décision. Il en va ainsi alors même qu’il serait titulaire d’un certificat d’urbanisme délivré en vertu des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, lequel, s’il lui confère le droit de voir sa demande de permis de construire, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, ne lui donne pas un droit à construire suffisamment caractérisé pour le rendre recevable à former tierce opposition à une telle décision d’annulation. »

Le Conseil d’État a suivi le sens des conclusions du rapporteur public, Monsieur Philippe Ranquet, selon lesquelles :

« le champ des bénéficiaires du règlement annulé ne s’étend pas indifféremment à tous les titulaires de PC : il y faut aussi ces « circonstances particulières », telles que dans ce cas un lien plus étroit entre l’objet de l’acte annulé et le projet de construction

Il est pourtant question d’un véritable droit à construire, ce que le droit tiré du certificat d’urbanisme ne peut prétendre être : contrairement à ce que qu’affirme le pourvoi, si la délivrance du certificat cristallise un droit, c’est celui à l’application d’une certaine réglementation, mais pas le droit à construire proprement dit, qui n’est pas encore assez caractérisé en l’absence d’autorisation. Or il ne nous paraît pas raisonnablement possible, par la voie de la tierce opposition, de protéger davantage le droit ainsi conféré par le certificat d’urbanisme que le droit à construire lui-même.

(…) Si vous nous suivez, vous estimerez donc que la CAA n’a pas commis d’erreur de droit, ni d’erreur de qualification juridique, en jugeant que Mme T… ne pouvait se prévaloir, pour former tierce opposition, du certificat d’urbanisme, et n’aurait été recevable dans sa tierce opposition qu’en présence  « d’une situation particulière liée à une autorisation d’urbanisme ».

CE, 2ème – 7ème chambres réunies, 27 septembre 2022, n° 451013, Tab. Leb.

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