Prescription acquisitive – Acte interruptif de prescription – Publication d’une délibération emportant incorporation d’un bien dans le domaine privé d’une commune (non)
Par une décision du 24 octobre 2024, la Cour de cassation a jugé que la publication d’une délibération emportant incorporation d’un bien dans le domaine privé d’une commune n’était pas interruptive de prescription.
En l’espèce, la juridiction judiciaire a eu à connaitre d’un litige opposant une commune à une société au sujet de la propriété de plusieurs parcelles. Plus précisément, la première considérait, qu’après avoir mis en œuvre la procédure de biens présumés sans maître, elle était devenue propriétaire de parcelles situées sur son territoire communal tandis que la seconde estimait pouvoir valablement revendiquer lesdites parcelles par l’effet de la prescription acquisitive trentenaire.
Pour rappel, l’article 2261 du code civil précise que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. L’article 2272 de ce même code indique, quant à lui, que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
La cour d’appel de Versailles a refusé de reconnaître à la société le bénéfice de la prescription acquisitive pour deux motifs :
- d’une part, certains écrits démontraient que cette société avait parfaitement conscience de ne pas en être propriétaire, de sorte que son animus domini n’était pas établi et, qu’en conséquence, « cette possession n’avait pas été accomplie à titre de propriétaire, puisqu’elle savait qu’elle ne l’était pas » ;
- d’autre part, si cette société justifiait d’actes matériels de possession, utiles pour prescrire, sur les parcelles revendiquées à partir de 1987, il s’était écoulé moins de trente ans avant la publication au service de la publicité foncière, en 2016, de l’acte entérinant l’incorporation dans le domaine privé de la commune des parcelles revendiquées.
Sur le premier point, la Cour de cassation considère que les juges d’appel, en écartant l’animus domini de cette société pour les motifs susmentionnés, ont violé les dispositions du code civil dès lors la conscience du possesseur de ne pas être propriétaire est sans incidence sur l’appréciation de son intention de se conduire comme tel.
Sur le second point, la Haute juridiction judiciaire estime que la publication d’un acte autorisant l’incorporation de parcelles dans le domaine privé d’une commune n’est ni interruptive de prescription, ni de nature à vicier une possession en cours et, de façon subséquente, qu’il est toujours possible de prescrire contre un titre de propriété.
En conséquence, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel et renvoie les parties devant la cour d’appel de Versailles.
Cour de cassation, 3ème civ., 24 octobre 2024, n° 23-16.882, Bull.