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Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé – Liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative – Référé liberté

Par une décision en date du 20 septembre 2022, le Conseil d’État est venu ériger au rang des libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré dans l’article premier de la charte de l’environnement.

Ce faisant, désormais toute personne justifiant d’une atteinte à ce droit, dispose de la possibilité de saisir le juge administratif sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code justice administrative selon lesquelles :

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

De manière générale, l’action en référé liberté est subordonnée à la démonstration d’une urgence caractérisée et d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.  

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat définit les conditions qu’il convient de remplir pour qu’une telle action en référé liberté soit recevable :

« Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. »

S’agissant des mesures qui peuvent être adoptées dans le cadre d’une telle action, le Conseil d’État précise que :  

« Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.»

Au cas d’espèce, les requérants ont saisi le tribunal administratif de Toulon d’un recours en référé liberté en vue d’enjoindre au département du Var de suspendre des travaux de recalibrage de la route départementale n°29 au lieu-dit « Les Martins » sur la commune de la Crau.

Après avoir consacré le principe selon lequel la protection du droit de l’environnement constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, contrairement à ce qu’avait retenu tribunal administratif de Toulon dans l’ordonnance n°2100764 du 25 mars 2021, le Conseil d’État a tranché l’affaire au fond sur le fondement des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et a retenu que la condition d’urgence n’était pas remplie.

« 8. Ainsi qu’il a été dit au point 5, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Pour justifier de l’urgence, les requérants, qui possèdent un laboratoire limitrophe de l’endroit où se déroulent les travaux contestés et où ils mènent depuis plusieurs années un travail de recensement et d’études des espèces protégées s’y trouvant, font valoir que la poursuite de ces travaux portera atteinte de manière irréversible à ces espèces protégées et entraînera la destruction de leur habitat. Toutefois, les travaux litigieux résultent d’un projet arrêté par une délibération du 27 octobre 2016 du conseil départemental du Var et ont notamment donné lieu, ensuite, à une déclaration au titre de la loi sur l’eau et à une autorisation de défrichement par arrêté préfectoral de décembre 2020, que les requérants n’ont pas contestées. Dans ces conditions, la condition d’urgence particulière requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. »

Cet arrêt du Conseil d’État s’inscrit dans un mouvement d’une meilleure préservation du droit de l’environnement et fait suite à deux décisions du Conseil Constitutionnel :

« La protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle ».

 « Il résulte du préambule de la Charte de l’environnement que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins »

CE, 2ème – 7ème chambres réunies, 20 septembre 2022, n°437765, Publié au recueil Lebon

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