Directive 2011/92 – Soumission à évaluation des incidences environnementales – Projet d’aménagement urbain – Irrégularité des seuils déterminés en fonction des seules dimensions du projet
A l’occasion d’une décision du 25 mai 2023 et en réponse à une question préjudicielle qui lui avait été posée par le tribunal administratif de Vienne, la Cour de Justice de l’Union Européenne juge que la directive 2011/92 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement s’oppose à une législation nationale qui subordonnerait la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet de travaux d’aménagement urbain au seul franchissement d’un seuil lié aux dimensions du projet.
En sus de des seuils d’occupation du projet, il convient de prendre en compte également d’autres considérations, tels que sa localisation.
37. S’agissant de la mise en oeuvre de la directive 2011/92, il convient de rappeler que les États membres doivent donner à cette directive une exécution qui correspond pleinement aux exigences qu’elle pose compte tenu de son objectif essentiel, qui est, ainsi que cela résulte de son article 2, paragraphe 1, que, avant octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement (…).
40. Enfin, il convient de souligner que, en application de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92, les États membres ont l’obligation de tenir compte, pour la fixation desdits seuils ou critères, des critères de sélection pertinents énoncés à l’annexe III de cette directive.
41. Parmi ces derniers critères, cette annexe retient, premièrement, les caractéristiques des projets, lesquelles doivent être considérées notamment par rapport à la dimension du projet et au cumul de ce dernier avec d’autres projets existants ou approuvés, deuxièmement, la localisation des projets de sorte que soit prise en considération la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par ceux-ci en prenant en compte, en particulier, l’utilisation existante et approuvée des terres ainsi que la capacité de charge de l’environnement naturel (…) et troisièmement, les caractéristiques de l’impact potentiel des projets, notamment au regard de la zone géographique et de l’importance de la population susceptible d’être touchée par ceux-ci et de l’effet cumulé de ces derniers avec d’autres projets existants ou approuvés (…).
51. Eu égard aux considérations qui précèdent (…) la directive 2011/92 [doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose] à une réglementation nationale qui subordonne la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement de « travaux d’aménagement urbain », d’une part, au franchissement des seuils d’occupation d’une surface d’au moins 15 hectares et de surface brute de plancher de plus de 15 000 m2 et, d’autre part, au fait qu’il s’agisse d’un projet d’aménagement en vue de la construction d’un ensemble multifonctionnel, incluant au moins des bâtiments de logements et de bureaux, projet comprenant les voies et infrastructures de viabilisation prévues à cet effet et disposant d’une zone d’attraction s’étendant au-delà de la zone qu’il couvre.
62. (…) L’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/92 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un examen au cas par cas, du point de savoir si un projet est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et doit donc être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, l’autorité compétente doit examiner le projet concerné au regard de tous les critères de sélection énumérés à l’annexe III de cette directive afin de déterminer les critères pertinents dans le cas d’espèce et doit ensuite appliquer ces critères pertinents à la situation de l’espèce.
Par ailleurs, la Cour de Justice ajoute que :
81. (…) la directive 2011/92 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’octroi, avant ou pendant la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement requise ou avant la fin d’un examen au cas par cas des incidences sur l’environnement visant à déterminer si une telle évaluation est nécessaire, de permis de construire pour des projets individuels de travaux qui s’inscrivent dans le cadre de projets de travaux d’aménagement urbain plus vastes.
CJUE, 25 mai 2023, WertInvest Hotelbetrieb, n°C-575/21