BulletinsDroit de l'urbanisme

Le nouveau et fameux « délai raisonnable » d’un an pour contester une décision administrative s’appliquerait aux tiers souhaitant contester un permis de construire…affaire à suivre !

En se fondant sur le principe de sécurité juridique1, le Conseil d’Etat avait dégagé un principe enfermant l’exercice du recours juridictionnel dans le délai raisonnable d’un an par le « destinataire » d’une décision administrative individuelle (CE., Ass., 13/07/2016, « Czabaj », n° 387763, Rec. Leb.). Ce principe a récemment été audacieusement appliqué aux tiers à un permis de construire par le tribunal administratif de Versailles, dans un jugement du 15 février 2017.

Un délai raisonnable d’un an applicable aux tiers ?

L’application du délai raisonnable aux tiers 

Par un jugement du 15 février 2017, le TA de Versailles a estimé que :

« l’impératif de sécurité juridique n’impose nullement que seuls les recours des destinataires d’une décision administrative individuelle défavorable ne puissent s’exercer au-delà d’un délai raisonnable mais requiert, à plus forte raison d’appliquer une telle limitation dans le temps du droit au recours pour préserver les droits des bénéficiaires de décisions administratives défavorables contre la pluralité des tiers ayant potentiellement intérêt à les attaquer » (TA Versailles, 15/02/2017, n° 1402665).

En l’espèce, le requérant avait formé un recours six ans après l’affichage du permis de construire contesté, qui ne comportait pas la mention des délais de recours. 

Même en cas de mention inexacte des délais de recours 

Elargissant le champ d’application du délai raisonnable, le tribunal administratif en a déduit que :  

« (…) en l’absence de circonstances particulières, le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que M. X. puisse contester en 2014 cette décision administrative individuelle dont il doit être réputé avoir eu connaissance, en tant que tiers, à compter de l’affichage intervenu sur le terrain [en 2007], alors même que l’indication des délais de recours était erronée » (ibid.).».

A suivre le TA de Versailles, le défaut de la mention des délais de recours sur le panneau d’affichage d’un PC ne permettrait donc plus de le contester sans délai, comme le prévoit pourtant la jurisprudence constante2, cette possibilité se trouvant enfermée dans un délai d’un an

Tableau de synthèse
Quels délais pour les tiers selon la décision du TA Versailles du 15/02/2017 ?
Notre conseil : « Affichage régulier : délais sécurisés » 

Ce jugement, pour le moment isolé, minimise l’incidence que pourrait entraîner tout ou partie des irrégularités affectant l’affichage, en renforçant la sécurité juridique d’autorisations relativement anciennes.

Toutefois il n’est pas certain que le Conseil d’Etat ait entendu que sa jurisprudence « Czabaj » puisse être étendue aux recours des tiers contre les autorisations d’urbanisme, même si une telle solution irait vraisemblablement dans le sens de la jurisprudence récente restreignant l’intérêt à agir des tiers en la matière. Dans l’attente d’une éventuelle confirmation, les porteurs de projets gagneront évidemment toujours à apporter une attention toute particulière à l’affichage des autorisations d’urbanisme afin de sécuriser celles-ci et réduire les délais de recours à leur encontre : cf. notre bulletin du 26/04/2017 sur l’affichage du PC (NB : les modalités évoluent dès le 1er juillet 2017 : le nom de l’architecte et la date d’affichage du permis de construire en mairie deviennent des mentions obligatoires). 

Abréviations

PC = permis de construire 

TA = tribunal administratif

CJA : code de justice administrative

CU : code de l’urbanisme

Compléments & Précisions

Le principe de sécurité juridique a été consacré en 2006 par la décision dite « KPMG » (CE., Ass., 24/03/2006, n° 288460).

CE, 6/07/2012, n° 339883.

Jurisprudence constante : v. par ex. CE, 6/05/1981, n° 11234 17/05/1999, n° 172918.

Attention ! L’application de cette jurisprudence semble à ce jour circonscrite à l’hypothèse dans laquelle l’affichage erroné du PC tient à la seule absence des voies et délais de recours. A notre sens, elle ne saurait être étendue à tous les cas d’affichage irrégulier (ex. hauteur ; surface de plancher manquantes ; etc.).

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Simon Guirriec

Avocat, intervient en droit de l'urbanisme commercial et dues diligences