Droit de l'environnementDroit des espèces protégées

Parc éolien – Dérogation « espèces protégées » (DDEP) – Application de l’avis du Conseil d’État du 9 décembre 2022 – Risque suffisamment caractérisé (non) – Nécessité d’une DDEP (non)

Dans sa décision du 27 janvier 2023, la cour administrative d’appel de Nantes a jugé que le projet d’un parc de 3 éoliennes ne nécessitait pas une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées dès lors que le risque que ce projet comportait pour les espèces protégées n’était pas suffisamment caractérisé. Ce faisant, la cour administrative d’appel de Nantes applique la grille d’analyse précisée par le Conseil d’État dans son avis du 9 décembre 2022 (cf. notre veille du 13 janvier 2023).

En l’espèce, la cour administrative d’appel de Nantes avait annulé le refus implicite du préfet de la Vendée de délivrer une autorisation environnementale portant sur la construction et l’exploitation d’un parc de 3 éoliennes à une société et avait délivré ladite autorisation environnementale à cette société, tout en enjoignant au préfet d’assortir cette autorisation de prescriptions de nature à prévenir les dangers ou inconvénients que peut présenter cette installation.

Par un arrêté du 19 juillet 2021, le préfet de la Vendée a prescrit des mesures spécifiques. Une association de protection de l’environnement et plusieurs particuliers ont formé un recours en annulation à l’encontre de cet arrêté préfectoral, en soulevant notamment l’absence de dérogation « espèces protégées » (DDEP).

La cour administrative d’appel de Nantes rappelle d’abord la grille d’analyse précisée par le Conseil d’État :

16. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation  » espèces protégées  » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation « espèces protégées ».

Appliquant cette grille d’analyse, la cour juge ensuite que :

17. Il résulte de l’instruction que l’étude chiroptérologique réalisée sur site en 2016 a permis de recenser la présence, dans l’aire immédiate du projet, de 14 espèces et d’une paire d’espèces, à savoir le petit Rhinolophe, le grand Rhinolophe, le Murin de Daubenton, le Murin à oreilles échancrées, le Murin de Natterer, le grand Murin, la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle Pygmée, la Pipistrelle de Nathusius, la Pipistrelle de Kuhl, la Sérotine commune, la Barbastelle d’Europe, les Oreillard gris et roux, et trois espèces probables, à savoir le Murin d’Alcathoé, le Murin à moustaches et le Murin de Bechstein, toutes espèces inscrites à l’article 2 de l’arrêté du 23 B… 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection. L’étude d’impact, sur la base de laquelle l’autorisation contestée a été délivrée, indique qu’après mise en œuvre des mesures d’évitement et de réduction, l’impact résiduel sera très faible à nul pour la Barbastelle d’Europe, le petit Rhinolophe, le grand Rhinolophe, le groupe des Murins, le groupe des Oreillards, faible à très faible pour la Pipistrelle Pygmée et faible pour la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Nathusius, la Pipistrelle de Kuhl et la Sérotine commune, l’étude précisant pour ces dernières espèces que l’asservissement des éoliennes est de nature à réduire significativement les risques de collision mais que demeurent possibles des mortalités accidentelles. Au regard de cette analyse et en l’absence de tout autre élément dans l’étude chiroptérologique, et alors que les requérants se bornent à faire état de ce que le projet ne permet pas de garantir l’absence de tout impact, le risque que le projet comporte pour ces dernières espèces ne peut être regardé comme suffisamment caractérisé pour imposer au pétitionnaire d’obtenir une dérogation  » espèces protégées « . Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire était tenue de solliciter, sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, pour la réalisation de son projet de parc éolien, une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces protégées prévues à l’article L. 411-1 du même code doit, en tout état de cause, être écarté.

La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête.

CAA Nantes, 27 janvier 2023, n° 21NT03270

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