Covisibilité – R. 111-27 du code de l’urbanisme – Protection des abords – Monument historique – Atteinte (oui)
Par sa décision en date du 22 septembre 2022, le Conseil d’État vient préciser que la légalité d’une autorisation d’urbanisme peut être contestée sur le fondement de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme au regard de l’atteinte que porte un projet sur un monument historique du fait de leur covisibilité et ce, même dans le cas où le projet éolien en cause ne se trouve pas dans le périmètre des abords de protection de ce monument historique.
En l’espèce, le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi dirigé contre la décision par laquelle la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé le refus du préfet de Côte-d’Or d’accorder une autorisation d’exploiter un parc de cinq éoliennes, au motif que le préfet n’avait pu prendre en considération la covisibilité du parc avec deux monuments historiques pour caractériser une atteinte au sens de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme. La Cour avait en effet considéré que tenir compte de la covisibilité du projet avec ces monuments historiques, qui se trouvaient à plus de dix kilomètres du lieu d’implantation du parc, aurait eu pour effet de prolonger hors du périmètre de protection de ces monuments, la servitude d’utilité publique instituée par l’article L. 621-31 du code du patrimoine.
Pour annuler cet arrêt, le Conseil d’État commence par rappeler son considérant de principe issu de sa décision « Engoulevent », aux termes duquel, pour déterminer si un projet est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par l’article R.111-27 du code de l’urbanisme, l’autorité compétente procède à un raisonnement en deux temps :
Pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et le cas échéant, par le plan local d’urbanisme de la commune.
Il juge alors que lorsque la construction projetée se situe dans le champ de visibilité d’un monument historique, bien qu’en dehors du périmètre des abords de protection de celui-ci, l’autorisation peut également être contestée sur le fondement de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme :
Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l’impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations.
Il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que le critère de covisibilité avec des monuments historiques ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’article R.111-27 du code de l’urbanisme en raison de l’implantation du projet en dehors du périmètre de protection résultant des articles L.621-30 et L.621-31 du code du patrimoine, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
Ainsi que le précise le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt ici commenté, dans ces circonstances l’application de l’article R.111-27 n’a pas pour effet de prolonger hors du périmètre de protection les servitudes instituées par le code du patrimoine, mais de « préserver une « perspective monumentale » ou plus largement de prévenir les atteintes portées à un site à la qualité ou l’intérêt duquel le monument contribuerait particulièrement par son apparence extérieure« .
CE, 22 septembre 2022, n°455658, Tab. Leb.