Baux commerciaux – Travaux modifiant les caractéristiques des locaux tout en y apportant des améliorations – Primauté du régime des améliorations (oui) – Déplafonnement lors du second renouvellement du bail (oui)
Dans un arrêt en date du 7 septembre 2022, la Cour de cassation a considéré que lorsque les travaux réalisés par le locataire modifient les caractéristiques des locaux loués tout en leur apportant une amélioration, il doit être fait application du régime des améliorations justifiant un déplafonnement du loyer lors du second renouvellement.
Pour rappel, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative du local loué.
Lorsque la valeur locative est supérieure au loyer en cours, l’article L. 145-34 du code de commerce prévoit un mécanisme de plafonnement des loyers lors du renouvellement du bail commercial visant à protéger le preneur.
La réalisation de travaux par le locataire pourra justifier un déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement lorsque les travaux réalisés entrainent une modification notable des caractéristiques du local en application de l’article R. 145-4 du code de commerce et/ou une amélioration des locaux en vertu de l’article R. 145-8 du code de commerce.
Dans cette dernière hypothèse, le déplafonnement n’est possible que si le bailleur a assumé directement ou indirectement la charge de ces travaux. Il pourra dès lors être sollicité lors de renouvellements ultérieurs.
En l’espèce, un preneur avait procédé, avec l’autorisation des bailleurs, à d’importants travaux dans les locaux loués.
Le bail a été renouvelé une première fois pour une durée de neuf ans sans donner lieu à déplafonnement du loyer.
Le preneur a par la suite cédé son fonds de commerce ainsi que son droit au bail à un nouvel exploitant.
Lors du second renouvellement, les bailleurs, sollicitant un déplafonnement du loyer, ont saisi le juge des loyers commerciaux pour la fixation du loyer à la valeur locative sur le fondement du régime des améliorations.
S’y opposant, le nouveau locataire soutenait que le déplafonnement du loyer ne pouvait se justifier que lors du premier renouvellement du bail, les travaux ayant entrainé une modification notable des caractéristiques des locaux.
Confirmant la position retenue par la cour d’appel, la Cour de cassation a considéré dans un premier temps que les travaux réalisés devaient s’analyser à la fois comme des modifications notables des caractéristiques des locaux mais également comme des améliorations significatives.
Dès lors, la Cour de cassation, rappelant la primauté du régime des améliorations sur celui des modifications, a retenu qu’il devait être fait application du régime des améliorations, justifiant un déplafonnement du loyer lors du second renouvellement.
11. En troisième lieu, ayant relevé que la SCP avait remplacé un vieil escalier en bois par un escalier en béton, construit une dalle intermédiaire en béton au niveau du premier étage de la partie nord dont le plancher était vétuste et inapte à supporter les charges nécessaires à l’activité, procédé à la réfection complète de l’installation électrique, de la plomberie et des installations sanitaires ainsi qu’au remplacement des portes et des fenêtres, construit un bâtiment neuf à la place d’un ancien poulailler et d’une vieille remise, créé un parking avec une allée de circulation de véhicules, refait les évacuations des eaux usées, installé un chauffage adéquat et ravalé l’ensemble des façades des locaux, elle a pu retenir que si ces travaux, qui avaient agrandi la surface de plus de soixante mètres carrés, constituaient des modifications notables des caractéristiques des locaux donnés à bail, ils devaient également être qualifiés d’améliorations significatives, dès lors qu’ils assuraient une meilleure adaptation des locaux à l’activité de clinique vétérinaire, que la circulation de la clientèle tant à l’intérieur qu’à l’extérieur s’en trouvait facilitée et le confort thermique et acoustique amélioré, et accueillir, en conséquence, le régime des améliorations devant prévaloir sur celui des modifications, la demande de déplafonnement du loyer lors du deuxième renouvellement du bail.
Cass. civ. 3e, 7 septembre 2022, n° 21-16.613 F-D