Bail rural – Intégration de biens dans le domaine public – Qualification de titre d’occupation du domaine public (oui)
Par une décision en date du 7 juin 2023, le Conseil d’État a précisé les modalités d’intégration dans le domaine public de biens occupés en vertu d’un bail rural.
En l’espèce, le conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres sollicitait du tribunal administratif qu’il constate l’occupation et l’utilisation sans titre, par un particulier, du domaine public mais également qu’il enjoigne à ce dernier d’évacuer et remettre les lieux en état dans un délai de 15 jours. Après avoir obtenu satisfaction en première instance, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé cette décision en considérant que le titulaire du bail n’était pas dépourvu d’un titre d’occupation du domaine public.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par le conservatoire de l’espace littoral et, à cette occasion, estime qu’un bail rural existant lors de l’intégration de parcelles dans le domaine public constitue, jusqu’à son échéance, un titre d’occupation de ce domaine :
Lorsque le conservatoire procède à l’intégration dans le domaine public de biens immobiliers occupés et mis en valeur par un exploitant déjà présent sur les lieux en vertu d’un bail rural en cours de validité, ce bail constitue, jusqu’à son éventuelle dénonciation, un titre d’occupation de ce domaine qui fait obstacle à ce que cet exploitant soit expulsé ou poursuivi au titre d’une contravention de grande voirie pour s’être maintenu sans droit ni titre sur le domaine public. Ce contrat ne peut, en revanche, une fois ces biens incorporés au domaine public, conserver un caractère de bail rural en tant qu’il comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique »
Point n° 6
La haute juridiction administrative précise ensuite les conséquences de cette intégration dans le domaine public, et juge à ce titre, que :
- le conservatoire est en droit de dénoncer le bail rural afin de mettre fin à cette occupation ;
- après cette dénonciation et dans l’hypothèse où le conservatoire considère que l’usage des biens relevant de son domaine propre peut être associé à une exploitation agricole, il peut proposer de conclure avec ce même exploitant une convention d’usage temporaire et spécifique qui permet un usage des terres compatible avec les missions confiées à l’établissement public ;
- dans l’hypothèse où le bail conclu antérieurement à l’incorporation n’est pas dénoncé et au plus tard jusqu’à sa prochaine échéance – date à laquelle, en tout état de cause, le régime de la domanialité publique fait obstacle à ce qu’il puisse être renouvelé –, il est loisible au conservatoire de laisser l’occupant, en vertu du titre dont il dispose et qui procède du bail initial, poursuivre à titre précaire cette occupation associée à une exploitation agricole, en se fondant sur les clauses de ce bail qui ne sont pas incompatibles avec la domanialité publique et les missions confiées au conservatoire.
- enfin, dans tous les cas, une exploitation agricole des biens incorporés au domaine public qui porte atteinte à l’intégrité ou à la conservation de ce domaine constitue une contravention de grande voirie qu’il appartient au Conservatoire de l’espace littoral de constater, réprimer et poursuivre par voie administrative.