Contrats et propriétés publicsContrats publics

Bail en l’état futur d’achèvement conclu par un établissement public – Qualification de marché public de travaux (oui) – Annulation du contrat (oui)

La cour administrative d’appel de Marseille, par une décision du 27 février 2023, a décidé d’annuler un contrat de bail en l’état futur d’achèvement (ci-après « BEFA ») conclu par un centre hospitalier au motif que celui-ci constituait un marché public de travaux au sens de l’ordonnance du 23 juillet 2015. 

En l’espèce, en 2017, le centre hospitalier Alpes-Isère a conclu avec une société propriétaire de locaux situés à Seyssinet-Pariset, un BEFA qui prévoyait la location, à l’établissement public, de deux bâtiments existants ainsi que d’un bâtiment à construire, pour une durée de quinze ans avec une option d’achat. 

Après l’achèvement de la construction, le centre hospitalier a refusé de prendre possession des lieux estimant que les conditions de conclusion du contrat étaient susceptibles de mettre en cause sa responsabilité pénale et, partant, a décidé de suspendre le paiement des loyers mais également de saisir le tribunal administratif de Grenoble d’une action en contestation de validité de ce contrat. 

Aux termes de la décision des juges d’appel, ce contrat constitue un marché public de travaux dès lors qu’il prévoit la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins exprimés par le centre hospitalier. En effet, le BEFA portait, outre sur la location de deux bâtiments, sur la construction d’un bâtiment d’une surface de 487,36 mètres carrés conformément à une notice descriptive sommaire et un cahier des prestations élaborés par le centre hospitalier et annexés au contrat.

Le BEFA étant analysé comme un marché public de travaux, ce dernier était donc tenu par l’interdiction de procéder au paiement différé. Or, les loyers et surloyers prévus dans le contrat constituent, selon la cour administrative d’appel de Marseille, des paiements différés, prohibés par les dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015. Dans ces conditions et compte tenu du caractère indivisible et déterminant de ces clauses, elle juge que le contenu du contrat était illicite. 

En ce qui concerne les conséquences de ce vice, la juridiction d’appel considère que :

Le centre hospitalier ne pouvait ignorer que la satisfaction de son besoin supposait la passation d’un marché public. Le montage contractuel réalisé avait ainsi pour seul but d’échapper, d’une part, aux règles de publicité et de mise en concurrence, et, d’autre part, à la prohibition de tout paiement différé. Il doit à cet égard être tenu compte du fait que la loi n’offre pas aux centres hospitaliers, même au terme d’une procédure de mise en concurrence, la possibilité de différer le paiement de tels travaux répondant spécifiquement à un besoin. (…) Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, l’illicéité du contrat justifie en l’espèce son annulation.

Point n° 13

En revanche, l’annulation de ce contrat par le juge prive la société cocontractante tant de la perception des loyers échus que d’une possibilité d’indemnisation sur le fondement de la résiliation pour motif d’intérêt général. 

CAA Marseille, 27 février 2023, n° 21MA04312

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