Domaine public – Contravention de grande voirie – Cause exonératoire – Commandement de l’autorité légitime (oui)
Par un arrêt en date du 23 juin 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a eu à se prononcer sur la possibilité, pour un occupant du domaine public ayant réalisé des travaux sans l’accord du gestionnaire domanial, de s’exonérer de sa responsabilité au titre de la police de la conservation du domaine public maritime en se prévalant de ce que les travaux réalisés ont été commandés par l’autorité légitime, en l’occurence le préfet au titre de sa compétence en matière de police relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
En l’espèce, un occupant régulier du domaine public portuaire exploitait l’aire de carénage et le chantier naval du port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan, en vertu de trois conventions le liant au concessionnaire d’outillage public. Un rapport datant de 2022 établi par l’inspecteur des ICPE, avait constaté que l’occupant n’avait pas réalisé d’étude technique relative à la gestion de l’ensemble des eaux de ruissellement susceptibles d’être polluées. Son activité était donc susceptible de polluer l’environnement et donc de contrevenir au respect de la législation sur les ICPE. Afin de remédier à cette situation, l’occupant fit réaliser des travaux d’installation de bordures de rétention d’eau et de réfection des pentes d’écoulement ainsi que des regards de collecte.
Cependant, ces travaux furent entrepris sans avoir obtenu l’accord préalable de l’autorité domaniale, qui dressa alors un procès-verbal constatant que l’occupant « effectuait des travaux portant atteinte à l’intégrité du domaine public, sans accord du concessionnaire d’outillage public ni de l’autorité portuaire ». Ces travaux étaient donc susceptibles d’être poursuivis sur le fondement combiné de l’article L. 2132-3 CG3P et des articles L. 5335-2 et L. 5337-1 du code des transports.
Pour la première fois en matière domaniale, la cour administrative d’appel de Marseille a prononcé la relaxe du contrevenant au motif que les travaux prohibés trouvaient leur origine dans « un acte commandé par l’autorité légitime« . Elle précise toutefois que cette cause d’exonération ne vaut que dans la mesure où l’acte de commandement n’est pas manifestement illégal. La juridiction phocéenne transpose ici la théorie « des baïonnettes intelligentes« , issue du droit pénal, prévue à l’article L. 122-4 alinéa 2 du code pénal, selon lequel : « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».
En l’espèce, les travaux réalisés par l’occupant, qui n’étaient pas manifestement illégaux, avaient été entrepris en exécution d’une mise en demeure préfectorale prise par l’autorité légitime compétente en matière de police relative aux ICPE. Dès lors, aucune contravention de grande voirie ne pouvait être constituée.
Dans l’attente d’une éventuelle décision de principe du Conseil d’État, le commandement de l’autorité légitime tend ainsi à s’affirmer, aux côtés de la force majeure (voir par exemple : CE, 30 décembre 2011, SNCF, n° 336193), comme l’une des rares causes exonératoires reconnues par le juge administratif en matière de contravention de grande voirie.
CAA, 23 juin 2025, Commune de Vallauris-Golfe-Juan n° 24MA03035