Dérogations espèces protégées – Présomption de RIIPM – Conformité à la Constitution (Oui)
Par une décision n° 2024-1126 du 5 mars 2025, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a décidé que les dispositions de l’article L. 411-2-1 du code de l’environnement dans leur rédaction issue de la loi du 23 octobre 2023 (dite Loi Industrie Verte) sont conformes à la Constitution.
Pour rappel, ces dispositions prévoient que les projets industriels déclarés par le décret, prévu au I de l’article L. 300-6-2 du code de l’urbanisme, comme d’ « interêt national majeur en raison de leur importance pour la transition écologique ou la souveraineté nationale » peuvent se voir reconnaître, dès ce stade, le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeure (RIIPM), laquelle constitue une des 3 conditions pour déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées (article L. 411-2 du code de l’environnement). Dans ce cas, la reconnaissance de la RIIPM ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours direct contre le décret et non à l’encontre de la dérogation espèces protégées qui serait ultérieurement délivrée.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que l’impossibilité de contester la reconnaissance de RIIPM, conférée à des projets industriels qualifiés d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours effectif (article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789) dès lors que :
- (i) en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur certains projets industriels, ce qui constitue un objectif d’intérêt général ;
- (ii) cette restriction est circonscrite à des projets industriels qualifiés d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale;
- (iii) la reconnaissance de la RIIPM peut être contestée à l’occasion d’un recours dirigé contre le décret qualifiant le projet industriel de projet d’intérêt national majeur ;
- (iv) les dispositions contestées ne font pas obstacle à la possibilité de demander l’abrogation des décrets prévus par les dispositions contestées devenus illégaux en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à leur édiction et de former des recours pour excès de pouvoir contre d’éventuelles décisions de refus explicites ou implicites.
En deuxième lieu, le grief tiré de la méconnaissance des articles 1er (droit de vivre dans un environnement sain) et 2 (devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement) de la Charte de l’environnement de 2004 est écarté par le Conseil constitutionnel dès lors que les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d’une dérogation à la réglementation relative aux espèces protégées. L’autorité administrative demeure tenue d’apprécier la condition tenant à l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur au regard de la nature du projet industriel envisagé. Le cas échéant, elle vérifie que les deux autres conditions présidant à la délivrance de la dérogation espèces protégées sont bien remplies, à savoir l’absence de solution alternative satisfaisante et la circonstance que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.