Droit de la construction et de l'habitationresponsabilité

Marchés publics de travaux – Responsabilité des constructeurs à l’égard du maître de l’ouvrage – Actions en garantie entre constructeurs

Le Conseil d’Etat rappelle, dans le cadre de l’exécution de marchés de travaux, que l’appel en garantie d’un constructeur à l’encontre d’un autre constructeur n’est opérant que si le premier détermine que le second a commis une faute qui a contribué au dommage décennal dont le maître de l’ouvrage lui demande réparation.

Pour rappel, les constructeurs sont responsables de plein droit des désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, en application des dispositions issues de l’article 1792 du Code civil.

Le maître de l’ouvrage n’aura donc pas à prouver que le constructeur a commis une faute, tandis que ce dernier ne pourra s’exonérer de cette responsabilité en soutenant qu’il n’a commis aucune faute ; il suffit au maître de l’ouvrage de prouver que le désordre est imputable au constructeur poursuivi (CE, sect. 30 janvier 1981, n° 15351, SARL Gallego Frères et Cie : Lebon, p. 43).

Si tel est le cas, le constructeur incriminé devra assumer la responsabilité des dommages consécutifs à ce désordre, sans qu’il ne puisse invoquer utilement, pour y échapper, la faute commise par les autres constructeurs (CE, 7 juin 1985, n° 35724, 36350 et 43649 : Lebon, p. 178).

En revanche, la faute des autres constructeurs, dans la mesure où elle aurait contribué à la réalisation des dommages dont le maître de l’ouvrage demande réparation, peut utilement fonder un appel en garantie du constructeur mis en cause à l’encontre des autres constructeurs.

Au cas présent, le constructeur incriminé par le maître de l’ouvrage (bureau de contrôle technique), dont la responsabilité décennale était recherchée en vertu du contrat de louage d’ouvrage conclu, avait appelé en garantie les autres constructeurs dans le cadre de la procédure contentieuse engagée.

Le contrôleur technique s’était toutefois limité, dans son appel en garantie, à affirmer qu’il n’avait commis aucune faute.

Cette défense était inopérante, dans la mesure où il devait établir la faute des autres constructeurs recherchés.

Dès lors, les conclusions d’appel en garantie formées par le contrôleur technique à l’égard des autres constructeurs ont été purement et simplement rejetées par la cour d’appel (décision confirmée par le Conseil d’Etat).

4. Il résulte de l’application des principes dont s’inspirent les articles 1792 et suivants du code civil et des dispositions citées au point 3 que le contrôleur technique dont la responsabilité décennale est engagée envers le maître de l’ouvrage doit, s’il entend appeler en garantie les autres participants à l’opération de construction, établir qu’ils ont commis une faute ayant contribué à la réalisation des dommages dont le maître d’ouvrage demande réparation. La société Bureau Veritas construction n’est ainsi pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 111-24 du code de la construction et de l’habitation permettraient au contrôleur technique d’être entièrement garanti par les constructeurs en se bornant à établir qu’il n’a pas commis de faute. Par suite, en rejetant les conclusions d’appel en garantie présentées par la société Bureau Veritas construction à l’égard des autres participants à l’opération de construction au motif qu’elle n’invoquait aucune faute de leur part, la cour administrative d’appel n’a pas entaché d’erreur de droit les trois arrêts attaqués. La société Bureau Veritas construction n’est, dès lors, pas fondée à en demander l’annulation.

CE, 7e et 2e chambres réunies, 2 octobre 2024,
Société Bureau Veritas Construction, n° 474364, Tab Leb

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